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Libye : une transiton vers le chaos

Le 19 mars 2011, les avions de l'Otan entraient en action dans le ciel libyen, sauvant Benghazi d'une offensive terrestre de l'armée aux ordres de Mouammar Kadhafi, inamovible chef de l'État depuis plus de quarante ans. Sept mois plus tard, le 20 octobre 2011, le Guide, assiégé dans sa ville natale de Syrte, était arrêté par un bombardement aérien occidental lors d'une tentative de fuite, appréhendé puis lynché par des rebelles en furie. L'intervention de l'Otan en Libye fut citée comme un exemple de réussite militaire ; mais trois ans après les événements, le pays va de crise en crise, incapable de se stabiliser et de mettre sur pied un système de gouvernement souverain et fonctionnel.


Un pays sans État ?


Une nouvelle Constitution n'a toujours pas été adoptée ; quant aux milices formées pendant la guerre civile, elles continuent de faire la loi. Loin d'avoir été désarmées, elles ont investi l'embryon d'armée que l'État tente de mettre sur pied. Alors que le gouvernement et le Parlement (Congrès général national, CGN) sont le théâtre d'une féroce lutte d'influence entre libéraux et islamistes, les tensions centrifuges n'ont cessé de s'accroître. C'est à l'Est, dans l'ancienne Cyrénaïque, que les sentiments fédéralistes, voire sécessionnistes, sont le plus vifs. Mais ces tendances sont également à l'oeuvre à l'Ouest - que ce soit dans le djebel Néfoussa, à dominante berbère, ou même dans les villes de Misrata et de Zentan, qui se comportent comme des principautés au sein de la nouvelle Libye. Au Sud, enfin, les conflits entre tribus arabes et l'ethnie toubou entretiennent un climat d'instabilité dont profitent les groupes djihadistes que l'opération Serval a chassés du Mali en janvier 2013. L'insécurité est, en outre, entretenue par la libre circulation des armes : deux ans et demi après l'instauration d'un nouveau régime sous les auspices d'une communauté internationale bienveillante, pour ne pas dire complaisante, les arsenaux de Kadhafi continuent d'être ouverts à tous les vents et d'alimenter les puissants réseaux djihadistes implantés dans le sud et dans l'est de la Libye.
Les pays occidentaux, à commencer par les Européens, installés aux premières loges du chaos libyen, commencent à comprendre que le choix initial d'une intervention « light » limitée à la seule composante aérienne - pour des raisons relatives à la souveraineté et à la susceptibilité de la rébellion libyenne - avait son revers : ils ne savent pas réellement ce qui se passe sur le terrain et ne disposent d'aucun levier permettant d'influer sur le cours des choses. Conséquence : désormais, les stratèges occidentaux envisagent ouvertement une intervention militaire dans le Sud libyen afin d'éradiquer les groupes islamistes qui y ont trouvé refuge. Mais comme le faisait remarquer en janvier dernier l'amiral Guillaud, chef d'état-major des armées françaises, une telle opération ne pourrait pas avoir lieu sans l'aval de l'État libyen. Encore faudrait-il, ajoutait le haut gradé, qu'il y ait un État en Libye...


Des institutions instables


La démission forcée, le 11 mars 2014, du premier ministre Ali Zeidan est le dernier épisode …