Les Grands de ce monde s'expriment dans

France-Allemagne : les affinités électives

Politique Internationale - La façon dont Vladimir Poutine s'est comporté dans la crise ukrainienne ne devrait-elle pas conduire les Européens à repenser leur relation avec la Russie ?
Jean-Yves Le Drian - Avant de répondre à cette question sur le fond, je veux souligner, comme Berlin et Paris l'indiquent depuis le début, qu'il faut qu'un règlement politique soit trouvé à la crise ukrainienne. Ce qui n'exclut pas, pour autant, le recours à des sanctions. En d'autres termes, même si le maintien d'un dialogue avec Moscou reste important - et, avec la chancelière, le président de la République a permis à ce dialogue de progresser, y compris en y associant le président Porochenko -, les sanctions imposées par l'Union européenne et les États-Unis marquent notre fermeté vis-à-vis de la Russie. Nous restons vigilants et attentifs à la posture que Moscou adoptera. L'attitude de la Russie dans les jours et les semaines à venir déterminera pour une grande part l'avenir de sa relation avec les Européens. En tout état de cause, nous ne pourrons revenir avant longtemps à la relation que nous entretenions avec la Russie avant cette crise.
Je voudrais rappeler que la France a suspendu, depuis le mois de mars dernier, sa coopération militaire et de défense avec la Russie. Du reste, les conséquences de la nouvelle posture de la Russie doivent être attentivement analysées pour voir dans quelle mesure nous devons adapter notre politique de sécurité : non seulement à titre national, mais aussi dans le cadre de l'Otan, voire de l'UE. Le comportement de Vladimir Poutine rompt avec les principes qui ont fondé l'architecture de sécurité européenne que nous avons construite jusqu'ici. Le recours à la force militaire pour imposer des intérêts de façon unilatérale n'y a pas sa place. En Ukraine, la Russie a employé des cadres de pensée dignes du XIXe siècle, une propagande qui rappelle celle du XXe et des outils asymétriques du XXIe.
Ursula von der Leyen - D'abord, l'annexion de la Crimée et les activités russes en Ukraine de l'Est constituent des violations du droit international inacceptables. L'objectif politique du Kremlin visant à redéfinir les règles régissant le comportement des États en Europe l'est tout autant. La France, l'Allemagne et leurs partenaires continuent de s'engager pleinement pour trouver une solution diplomatique, et donc politique, à la crise à l'est de l'Europe. L'objectif doit être de promouvoir le dialogue national en Ukraine et d'obtenir un consensus au sein de la société. Cela requiert la participation constructive de tous les États voisins - et notamment de la Russie. Nous sommes convaincus que l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, à laquelle la Russie appartient, continuera de jouer un rôle essentiel. Malgré le début d'un dialogue initié entre les parties au conflit, ainsi qu'avec la Russie, nous ne pourrons revenir au « business as usual ». Les sanctions mises en oeuvre par l'UE et l'action de l'Otan sont donc, sous leur forme actuelle, des mesures pertinentes qui n'entravent pas la recherche d'une solution diplomatique. …