Les Grands de ce monde s'expriment dans

Israël au cœur des tempêtes

Aude Marcovitch et Patrick Wajsman - Quel était votre rêve d'enfant ? Songiez-vous, déjà, à la politique ?

Avigdor Liberman - Non, pas du tout. Quand j'étais enfant, je pensais plutôt devenir écrivain ou auteur de scénarios à Hollywood ! Il me semble que le vrai changement s'est produit quand j'étais étudiant à l'Université hébraïque de Jérusalem entre la fin des années 1970 et le début des années 1980. Le climat y ressemblait un peu à celui de la France de mai 1968. Le moins que l'on puisse dire est qu'il y avait beaucoup d'agitation sur les campus. Mais, ici, en Israël, il s'agissait des premières confrontations violentes entre les mouvements étudiants radicaux arabes et les étudiants juifs. Nous menions une vie très active et nombre de ceux qui suivaient alors des cours en même temps que moi sont devenus des parlementaires ou des membres du gouvernement, comme Tzachi Hanegbi, Yisrael Katz ou même Azmi Bishara (1) qui a été accusé d'espionnage et a finalement fui vers le Qatar. Avec Azmi Bishara, ça a été la lutte dès le premier jour. Nous n'avions pas de conversations : on ne faisait que se battre, on se battait vraiment. Ce sont tous ces événements qui m'ont conduit à la politique.
A. M. et P. W. - Pourquoi, selon vous, vous considère-t-on comme un super faucon ?
A. L. - Je ne me préoccupe pas beaucoup de ma réputation, j'essaie simplement d'agir en fonction de ce que je crois juste. Et j'essaie de dire exactement ce que je pense, d'être transparent. Il faut être prêt à combattre pour sa vision, pour ses idées, pour ses convictions. Si je suis entré en politique, ce n'est pas pour être conformiste !
A. M. et P. W. - Précisément, qui sont les dirigeants politiques les plus proches de votre vision du monde ?
A. L. - Question difficile car le monde, aujourd'hui, est totalement différent de celui de la fin des années 1970. Un seul exemple : j'ai grandi dans un empire qui s'appelait l'Union soviétique ; or cet empire n'existe plus !
Prenez Ronald Reagan et Margaret Thatcher, deux personnalités politiques qui ont eu une grande influence ces dernières décennies. Eux vivaient dans un monde très différent de celui où nous évoluons. Ils savaient exactement comment fonctionnait ce monde, comment gérer les problèmes, comment conduire des processus. C'était sans doute la meilleure période pour le monde occidental. Il était alors très uni. Mais tout est désormais plus complexe, moins prévisible.
Voyez la guerre entre l'Ukraine et la Russie : si l'on m'avait dit il y a quelques années que ces deux pays se feraient la guerre, je n'y aurais jamais cru !
Ce qui se passe actuellement dans le monde arabe est tout aussi « fluide » et peu contrôlable. D'ailleurs, je ne suis pas sûr qu'on puisse encore utiliser le terme « monde arabe ». Il y a de profondes scissions à l'intérieur des sociétés arabes. Un pays comme la Libye n'existe plus de …