Depuis le 10 juin 2014 et l'assaut foudroyant lancé sur la ville de Mossoul par les combattants de l'État islamique (EI), l'Irak se trouve happé dans un nouveau tourbillon de violence qui menace de le faire imploser. La conquête territoriale brutale du « califat » sunnite proclamé sous le commandement de l'Irakien Abou Bakr al-Baghdadi (de son vrai nom Ibrahim al-Badri al-Samarrai) est sans précédent. Elle a déjà jeté sur les routes plusieurs centaines de milliers de déplacés (1), toutes populations confondues, tandis que des milliers de civils ont choisi l'exil hors du pays. La catastrophe humanitaire semble insurmontable et la communauté internationale dépassée par l'ampleur des événements. Au début du mois d'août, la situation avait atteint de tels sommets que Barack Obama lui-même, malgré sa volonté de désengager définitivement l'Amérique du bourbier irakien, décidait d'user de la force contre l'EI par une campagne de frappes aériennes (2).
À l'heure actuelle, l'EI contrôle un pan de territoire s'étendant du nord-est de la Syrie jusqu'aux portes de Bagdad en Irak, soit une zone essentiellement désertique de 215 000 km2 (25 % de la Syrie et 40 % de l'Irak) où vivent 6 millions de personnes. Depuis le début de la crise, des armes occidentales ont été livrées aux Kurdes - les combattants peshmergas - ainsi qu'aux forces armées irakiennes en vue d'une contre-offensive. En outre, la Maison-Blanche a dépêché à Erbil (la capitale du gouvernement régional kurde) et à Bagdad plus d'un millier de conseillers militaires. De toute évidence, la reconquête face aux jihadistes sera une opération longue et douloureuse. Elle sera d'autant plus difficile que, cette fois, ce n'est pas un régime qui est visé ; la cible est une nébuleuse terroriste aux ramifications complexes et dont la stratégie bouleverse non seulement l'Irak et la Syrie, mais aussi des équilibres régionaux et internationaux déjà fragiles.
Si certains États et acteurs s'étaient bien accommodés de la déstabilisation de l'Irak à compter du printemps 2003, leurs calculs respectifs se voient aujourd'hui foncièrement remis en cause par le monstre jihadiste. L'EI est d'ailleurs, en large part, l'enfant de cette guerre d'Irak que l'on croyait refermée mais dont les métastases et les stigmates sont présents et palpables - du déchaînement aveugle des passions communautaires au Moyen-Orient au déclin avancé des États-nations que les puissances européennes avaient arbitrairement constitués au XXe siècle, sans oublier la remise au goût du jour d'un jihad international que l'on avait, aussi, pu croire vaincu depuis les attentats du 11 Septembre...
L'offensive de l'État islamique
Du blitzkrieg jihadiste à l'hécatombe
Jusqu'à l'été 2014, l'État islamique, nettement moins médiatisé que sa soeur aînée, Al-Qaïda, était peu connu du grand public. Les succès foudroyants qu'il enregistre à partir de début juin prennent donc le monde entier de court. En quelques jours, ses membres, aguerris au combat et dotés de moyens de communication sophistiqués, s'emparent de Mossoul, deuxième ville d'Irak, et étendent leur emprise sur trois provinces du nord du pays : Ninive, dont le gouverneur prend la fuite ; Kirkouk, pétrolifère et …
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