Pour qu'un régime de croissance soit à la hauteur des défis de ce siècle, il doit être inclusif et soutenable. Nous en sommes fort loin, non seulement dans les performances économiques, mais aussi dans les motivations et les moyens d'action des secteurs publics et privés. Parce que la croissance soutenable est essentiellement l'amélioration du bien-être social à travers les générations, elle engage le long terme. Sa réalisation dépend de la qualité des investissements qui seront entrepris. Les projets d'investissement révèlent les choix fondamentaux des sociétés, donc les responsabilités de la finance qui mobilise l'épargne requise pour les financer. Or la finance est tournée vers une création de valeur qui s'exprime monétairement et qui se réalise sur des marchés. L'adéquation entre le rendement du capital financier et les critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) par lesquels les investisseurs appréhendent les modèles d'entreprise contribuant à la croissance soutenable ne va pas de soi.
Qu'est-ce qu'un investisseur responsable ?
Un investisseur responsable est un intermédiaire financier qui collecte des montants élevés d'épargne et qui développe des stratégies d'allocation de cette épargne en reconnaissant les interdépendances entre les évaluations financières et non financières participant d'une conception élargie de la richesse des nations. Il en est ainsi parce que ces investisseurs comprennent que les tendances lourdes qui dégradent la vie des sociétés ont des conséquences néfastes à long terme sur le rendement du capital : changement climatique ; rareté des ressources (eau, énergie, terres arables, forêts) ; inégalités gigantesques ; sous-emploi chronique ; vulnérabilités financières ; et, surtout, un doute largement répandu sur la capacité politique à résoudre les problèmes.
La recherche de stratégies visant à soutenir les rendements des actifs en incorporant les enjeux de soutenabilité pose un problème majeur aux investisseurs financiers, car ces stratégies mettent radicalement en question l'hypothèse d'efficience qui guide l'allocation d'actifs selon la doctrine que l'on peut appeler « fondamentalisme du marché ».
Cette hypothèse postule que toute l'information nécessaire à la décision financière est contenue dans le prix présent du marché. La conséquence pour la gestion d'actifs est radicale : le portefeuille optimal est le portefeuille de marché. Les managers doivent se contenter d'une gestion passive qui alloue les actifs conformément aux proportions du marché. Il s'agit donc d'une auto-référence : le marché détermine les prix qui valident l'allocation résultant de choix d'investissement qui suivent ce même marché. Cela conduit aux pratiques de gestion suivantes : benchmarking selon des indices de marché ; recherche de profit à court terme par arbitrage ; mesure du rendement ajusté du risque où le risque se limite à la volatilité du marché.
Les critères ESG en sont exclus parce que leur influence sur l'économie passe en grande partie par des externalités, c'est-à-dire par des interdépendances que les marchés financiers n'évaluent pas. Or les externalités ne sont pas des exceptions. Elles sont dominantes dans les interdépendances environnementales, mais aussi dans les modes de coopération au sein des entreprises et entre ces dernières. Ces modes de coopération constituent des systèmes d'innovation, principales sources …
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