Les Grands de ce monde s'expriment dans

L'exemple du fonds souverain norvégien

La Norvège, septième exportateur mondial de pétrole et troisième de gaz (après la Russie et le Qatar), a décidé de placer tous les revenus provenant de l'extraction de ses ressources dans un fonds spécifique. Au fil du temps, celui-ci est devenu l'un des tout premiers fonds souverains au monde. À la fin du second trimestre de 2014, sa valeur s'élevait à 5 478 milliards de couronnes norvégiennes, soit 671 milliards d'euros. Siv Jensen, ministre des Finances dans le gouvernement de droite au pouvoir à Oslo depuis octobre 2013 et leader du Parti du progrès (droite populiste), explique le fonctionnement du Fonds et insiste sur l'importance accordée à l'investissement socialement responsable et à l'éthique dans sa politique de placement.
A. J.



Antoine Jacob - Pourquoi le gouvernement norvégien a-t-il créé le Fonds pétrolier ? Quel est son objectif ?
Siv Jensen - Le capital du « Fonds de pension d'État-étranger » - c'est sa dénomination officielle - provient du pétrole et du gaz exploités au large des côtes norvégiennes. Lorsque du pétrole a été découvert en mer du Nord en 1969, il est vite apparu que les sommes en jeu pourraient être colossales. Et que les recettes des activités pétrolières n'étaient pas des recettes au sens traditionnel du terme, dans la mesure où elles provenaient de l'extraction de ressources non renouvelables. Enfin, le pays a pris conscience du fait que ces recettes fluctueraient au gré de l'évolution des cours du pétrole. Dès lors, il était essentiel de gérer ces rentrées d'argent de manière à préserver un équilibre dans l'économie nationale, aussi bien à court qu'à long terme.
L'idée d'un fonds pétrolier gouvernemental a mûri dans les années 1980. Sa création remonte à 1990, sous le nom de « Fonds pétrolier d'État ». Ce n'est qu'en 1996 qu'il a commencé à être abondé. Avec le temps, le « Fonds de pension d'État-étranger » (GPFG), tel qu'il a été rebaptisé en 2006, est devenu une source importante de financement pour les dépenses publiques, j'y reviendrai un peu plus tard. Comme dans de nombreux autres pays, le vieillissement de la population norvégienne se traduira par un fardeau de plus en plus lourd pour nos finances publiques. Le Fonds contribuera à faire face à ces défis. Néanmoins, en dépit de son nom, le GPFG n'est pas un fonds de pension traditionnel. Il ne donnera pas lieu directement à des versements de retraites. Il représente plutôt les économies du gouvernement.
Le Fonds, comme le mot « étranger » ajouté en 2006 le suggère, est entièrement investi hors de nos frontières. Et cela, en bonne partie pour protéger l'économie norvégienne contre les risques de surchauffe qui surviendraient si cette manne était injectée dans le pays. Le principal objectif de ces investissements est de maximiser, sur la durée, l'achat de capitaux à l'étranger, tout en ne prenant que des risques modérés. De cette façon, nous voulons nous assurer que les générations actuelles comme les suivantes pourront bénéficier de l'épargne nationale commune. Le Fonds doit suivre des pratiques d'investissements responsables. Nous sommes persuadés qu'un bon rendement à long terme dépend des évolutions durables en matière économique, environnementale et sociale.
A. J. - Concrètement, qui gère le Fonds et sur quels critères les entreprises dans lesquelles il investit sont-elles sélectionnées ?
S. J. - Le Parlement norvégien a décidé que le ministère des Finances serait responsable de la gestion du GPFG. Mais ce n'est pas mon ministère qui a en charge la gestion opérationnelle au jour le jour : cette tâche revient à la Banque de Norvège (Norges Bank, la banque centrale), qui agit selon le mandat que lui a confié le ministère. Ce mandat précise notamment les sphères d'investissements possibles et l'indice stratégique de référence du Fonds. Il énumère …