Konstantin Malofeev, 40 ans, est un homme d'affaires et un leader d'opinion russe qui « monte ». Ancien actionnaire de l'entreprise nationale de télécommunications Rostelecom, il préside un fonds d'investissement international (Marshall Capital Partners) ainsi qu'une fondation humanitaire orthodoxe, la Fondation Saint-Basile (la plus grande organisation caritative orthodoxe en Russie, dont le budget annuel dépasse les 40 millions de dollars). Il est également le principal soutien financier de l'association internationale de défense des valeurs familiales chrétiennes World Congress of Families. Jusqu'à il y a peu, il était resté très discret. Mais il fait depuis quelques mois la « une » des quotidiens du monde entier pour son rôle au sein de la mouvance nationale-orthodoxe et anti-communiste qui est de plus en plus influente autour de Vladimir Poutine.
Konstantin Malofeev est sorti de l'ombre en janvier 2014 sur fond de crise en Ukraine et en Crimée, lorsqu'il a octroyé des aides financières à des groupes séparatistes pro-russes en lutte contre le nouveau pouvoir de Kiev. À la fin du mois de janvier 2014, il s'est rendu à Sébastopol, en Crimée, aux côtés du puissant patriarche russe Kirill. L'Union européenne l'a, depuis, placé sur sa liste noire des personnalités frappées par les sanctions internationales visant la Russie et les séparatistes pro-russes de Crimée et d'Ukraine orientale (Donbass).
Attaché à la réhabilitation d'une Grande Russie protectrice de la civilisation chrétienne, Konstantin Malofeev est étroitement lié au Patriarcat orthodoxe de Moscou et, surtout, au très influent Père Tikhon, le « confesseur » de Vladimir Poutine, auteur de plusieurs best-sellers à la gloire d'une Russie orthodoxe héroïque entourée d'ennemis acharnés. Plus récemment, Malofeev a choisi de s'associer avec Philippe de Villiers pour mettre sur pied une version russe du Puy du Fou.
Le jeune oligarque monarchiste et fervent croyant, qui rencontre régulièrement de nombreux mouvements nationalistes chrétiens de Russie et d'ailleurs et ambitionne de « sauver la civilisation chrétienne européenne » - menacée selon lui à la fois par le socialisme, l'islam et la contre-culture matérialiste occidentale -, risque de faire de plus en plus parler de lui dans le futur proche. Il a, en effet, connu une ascension fulgurante - notamment avec la création de la Fondation Saint-Basile - depuis que Vladimir Poutine a décidé d'axer son troisième mandat autour des « valeurs éternelles » d'une Russie fondée sur la religion orthodoxe et le nationalisme grand-russien. Politique Internationale a donné la parole à cet oligarque « nouvelle génération » qui s'exprime très peu dans la presse internationale...
A. D. V.
Alexandre Del Valle - Vous êtes considéré en Occident comme l'une des personnalités les plus influentes au sein de cette mouvance en plein essor qui aspire à réenraciner la nouvelle Russie dans ses valeurs chrétiennes et orthodoxes. Vous reconnaissez-vous dans ce portrait ? Quelles sont vos convictions profondes ?
Konstantin Malofeev - Dans la seconde épître aux Thessaloniciens, l'apôtre Paul parle de « ce qui retient », ce qui empêche le monde de tomber entièrement sous le pouvoir total de l'Antéchrist. Saint Jérôme, comme de nombreux autres célèbres théologiens, estimait que l'apôtre faisait référence à l'Empire romain. Et, comme chacun sait, après la chute de Rome au Ve siècle, ce sont les autocrates byzantins qui sont devenus les dirigeants officiels de l'Empire.
À partir du XVe siècle, quand les Turcs ont pris Constantinople et lorsque le tsar russe Ivan III a épousé la nièce du dernier empereur byzantin, la Russie a adopté pour idéologie politique officielle la doctrine « Moscou est la troisième Rome » (1). À partir de ce moment, les tsars russes se sont perçus comme étant chargés de « retenir » le monde de chuter dans le Mal. Et jusqu'à la révolution de 1917, ils ont rigoureusement accompli cette mission. Dois-je rappeler que c'est le tsar Alexandre Ier qui a arrêté Napoléon ?
Mais après cette victoire, la Russie, devenue alors la puissance hégémonique absolue, a-t-elle pour autant installé ses bases militaires dans la moitié de l'Europe ? A-t-elle forcé les autres pays à effectuer leurs transactions entre eux en roubles ? Nullement ! Bien au contraire, même. Le monarque russe est devenu l'initiateur de la Sainte-Alliance, dont la charte constitutive proclamait : « Il est indispensable que les relations entre les États soient soumises à la loi éternelle de Dieu notre Sauveur et que les décisions soient prises conformément aux commandements de l'amour, de la vérité et de la paix. »
Mille fois hélas, une terrible tragédie s'est produite avec le coup d'État bolchevique de 1917 qui a vu la Russie abandonner sa mission sacrée de « rétention ». La suite est connue de tous : la guerre la plus sanglante de l'histoire de l'humanité et un effondrement moral total dans des pays qui, par le passé, avaient été chrétiens.
Et ce n'est que maintenant, cent ans plus tard, que la Russie, sous la direction du président Poutine, est de retour sur sa voie historique. Nous sommes redevenus « ce qui retient » le Mal dans le monde. C'est cela notre but premier et notre immense responsabilité vis-à-vis de tous les peuples de la planète.
A. D. V. - Comment avez-vous réussi à devenir en si peu de temps une personnalité aussi influente et aussi opulente ?
K. M. - Le père de l'Église Jean Chrysostome a écrit qu'un homme riche ne doit jamais oublier que sa richesse ne lui est donnée qu'en gestion. Et que s'il gère mal cette richesse, le Seigneur peut tout à fait la lui retirer. C'est pour cela que je pense …
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