Les Grands de ce monde s'expriment dans

Une transparence à la française

Michèle Bernard-Royer - La transparence est une valeur communément prônée. Comment se manifeste-t-elle sur le marché de l'ISR français ?
Bertrand Fournier - L'ISR est encore peu connu du grand public : 63 % des Français n'en ont jamais entendu parler, comme le montre un sondage Ipsos réalisé pour EIRIS/FIR et publié à l'occasion de la Semaine de l'ISR en 2014 (1). Et pourtant, plus de la moitié d'entre eux déclarent adhérer à ce qu'il représente dès lors qu'on leur explique de quoi il retourne. De plus, 20 % se disent prêts à investir une part de leur épargne en ISR si on le leur proposait. Ce qui est loin d'être courant ! Certes, l'ISR est une notion compliquée. Et cela, bien que l'AFG (Association française de gestion financière) et le FIR aient mis leur expertise en commun pour en proposer une définition de place (2) : « L'ISR (Investissement socialement responsable) est un placement qui vise à concilier performance économique et impact social et environnemental en finançant les entreprises et les entités publiques qui contribuent au développement durable quel que soit leur secteur d'activité. En influençant la gouvernance et le comportement des acteurs, l'ISR favorise une économie responsable » (3). Cette définition est un premier pas vers la transparence qu'investisseurs et professionnels de la finance appellent de leurs voeux, dans l'optique d'une finance appelée à devenir - comment pourrait-il en être autrement ? - de plus en plus responsable.
Chaque mot a été pesé, discuté, négocié ! C'est pourquoi je ne boude pas mon plaisir chaque fois que l'occasion m'est donnée de citer cette définition de place. Elle vient d'ailleurs de recevoir une reconnaissance politique, à en juger par le projet de cahier des charges préfigurant un possible label ISR porté par les pouvoirs publics. L'administration, qui y a travaillé tout l'été, la reprend in extenso dans son introduction.
M. B.-R. - Dans quelle mesure ce projet de label, qui doit concrétiser un engagement pris par le président de la République à l'issue de la Conférence bancaire et financière du 23 juin dernier, représente-t-il un enjeu important ?
B. F. - D'après le sondage pré-cité, 30 % des personnes interrogées considèrent que l'existence d'un label soutenu par les pouvoirs publics les inciterait à choisir l'ISR. Un tel label me paraît largement justifié aujourd'hui, dans le cadre notamment des projets de l'État concernant le « fléchage » de l'épargne des Français. Les clients de l'ISR demeurent, pour l'essentiel, des investisseurs institutionnels, même si l'offre ISR s'adresse aussi aux épargnants individuels. Or elle reste peu mise en avant par les institutions financières : seuls 3 % des investisseurs se sont vu proposer de l'ISR par leur banque ou leur conseiller financier. Un label garantit une forme de transparence ; c'est un élément d'identification qui favorise l'accès à l'offre existante. Il y a une manière précise, éprouvée, de faire de l'ISR. Examinée par un organisme crédible, selon des critères et un processus clairs et prévisibles, une telle labellisation devrait faciliter la reconnaissance …