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La diplomatie des "lignes rouges"

On a beaucoup parlé dernièrement, dans l'actualité internationale, de « lignes rouges ». Cette notion a été évoquée à propos de l'emploi d'armes chimiques par la Syrie, de la production d'uranium enrichi par l'Iran, voire de l'hypothèse d'une agression par la Russie d'un pays de l'Otan.
Dans tous les cas, il s'agit de prévenir un événement considéré comme inacceptable en définissant un seuil dont le franchissement entraînerait de graves conséquences.
Mais la diplomatie des lignes rouges fait l'objet d'un bilan mitigé. Pour ne prendre que l'exemple le plus récent, la Syrie n'avait nullement été impressionnée par les avertissements de Barack Obama en 2012...
Il est vrai que, bien souvent, le traçage d'une ligne rouge ne suffit pas à dissuader un adversaire parce que le seuil à ne pas franchir ou les conséquences de ce franchissement ne sont pas bien définis, parce que la détermination du « traceur » n'est pas manifeste, ou encore parce que la sanction encourue n'est pas suffisante pour dissuader.
Comment, dès lors, utiliser cet instrument au mieux pour garantir la préservation des intérêts stratégiques occidentaux ?


Pourquoi les lignes rouges sont-elles franchies ?


La première raison de l'échec des lignes rouges est une explication classique des conflits : les protagonistes ne se sont pas compris.
Des lignes pas assez nettes
La plupart des États font savoir qu'une agression militaire contre leur territoire provoquerait une riposte de même nature. La « ligne rouge » est alors tout simplement la frontière internationale. Mais ces frontières ne sont pas toujours nettement délimitées et font souvent l'objet de différends. La frontière soviéto-japonaise dans les années 1930 en est un bon exemple (l'absence de démarcation claire de la frontière ne fut pas pour rien dans le déclenchement des conflits bilatéraux de 1938 et 1939). La ligne de cessez-le-feu séparant l'Inde et le Pakistan au Cachemire, établie en 1971, laissait une zone grise dans la région du Siachen, qui vit ensuite chaque partie tenter d'y conquérir des positions. Et quid de possessions lointaines au statut particulier ? Les îles Malouines, attaquées par l'Argentine en 1982, étaient un territoire britannique d'outre-mer. Londres n'avait jamais clairement signifié que le Royaume-Uni serait prêt à se battre pour ces petites îles avec autant de détermination que si la Grande-Bretagne elle-même avait été attaquée - et Buenos Aires n'avait donc pas de raison manifeste de penser que ce serait le cas.
Même si la ligne est clairement tracée, la définition de ce qu'est une « agression » peut poser problème. Le recours par certains pays à des milices ou à des groupes non étatiques pour agir sur un territoire voisin peut être un moyen de brouiller le tracé de la ligne afin de conquérir des positions : on envoie des soldats sans uniforme prendre des positions en territoire adverse, afin de créer un fait accompli sans pour autant entrer formellement en guerre. C'est cette stratégie que l'Italie a adoptée en 1936 (violation de l'Accord de non-intervention dans la guerre d'Espagne). Plus près de nous, on a vu …