Isabelle Lasserre - Général, quelles leçons peut-on tirer des interventions françaises au Mali, en Libye et en République centrafricaine ?
Pierre de Villiers - Je voudrais tout d'abord dire que les attentats qui ont touché notre pays début janvier confortent notre détermination à lutter contre le terrorisme et la barbarie qui en constituent les fondements. Ils renforcent notre détermination car ils ont été commis contre les valeurs de notre pays. Ce sont ces valeurs que les armées, émanation de la Nation, portent et défendent partout dans le monde.
Pour en revenir à votre question, la première grande leçon - ou, en tout cas, le premier grand constat -, c'est que les interventions françaises sont très diversifiées. Le Livre Blanc, la Loi de programmation militaire et le projet des armées (1) prennent parfaitement en compte la variété des engagements actuels. Dans le même temps, ces trois documents soulignent qu'il est nécessaire de disposer d'un modèle global afin de traiter des crises aussi différentes que la Libye, la RCA ou la menace terroriste dans la zone sahélo-saharienne.
En Libye (2), nous sommes passés d'une coalition franco-britannique à un commandement plus élargi sur le modèle de l'Otan, avec un engagement aéro-maritime mais pas de troupes au sol. Pour mener à bien cette opération très particulière, qui nécessitait de coordonner l'action des avions, des hélicoptères et des bâtiments de la marine, il fallait donc posséder toute la palette des moyens militaires.
En République centrafricaine (3), l'intervention de la France a permis d'éviter un massacre inter-ethnique. Dans ce pays où l'État s'était effondré et qui se trouvait en proie à des affrontements communautaires, nous avons dû envoyer sur le terrain des soldats très mobiles, maîtrisant l'ouverture du feu au sol et capables d'une très grande réactivité. Aujourd'hui, l'ONU et nos partenaires européens sont engagés aux côtés de l'opération Sangaris.
Enfin, dans le Sahel, avec l'opération Barkhane - prolongement de Serval et d'Épervier (4) -, nous sommes confrontés au défi que pose l'étendue du théâtre d'opérations : pas moins de cinq pays sont directement ou indirectement concernés (le G5 Sahel (5)). Nous avons dû adapter nos forces à l'immensité géographique et aux caractéristiques de l'ennemi. Cet ennemi est non seulement extrêmement violent et déterminé mais aussi difficile à identifier : il est très mobile et se confond avec la population. Dans un tel contexte, il faut posséder à la fois une capacité terrestre, une capacité aérienne pour l'appui feu quand c'est nécessaire, des hélicoptères pour transporter les forces... Il faut, enfin, maîtriser parfaitement ce triptyque vertueux sans lequel il n'est pas possible de gagner : le renseignement qui permet d'identifier la cible, voire de la « lever » ; la capacité d'observer la cible 24 heures sur 24 car si on la lâche quelques minutes ou quelques heures elle disparaît dans le désert ; et la capacité de neutraliser cette cible, au bon endroit et au bon moment, avec des avions, des hélicoptères et des soldats sur le terrain.
I. L. - Pouvez-vous nous donner un …
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