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L'Ukraine sauvera-t-elle l'Europe?


L'Ukraine nouvelle naît dans la douleur. Il y a douze mois seulement, le 21 février 2014, les manifestants de la place de l'Indépendance, à Kiev, provoquaient, au prix d'une centaine de tués, la chute du président Viktor Ianoukovitch. Depuis, un nouveau pouvoir s'est installé, sous la conduite du président Petro Porochenko et du premier ministre Arséni Iatseniouk. Les deux hommes et leurs équipes respectives tentent de mettre en oeuvre les aspirations des manifestants du Maïdan. Mais la situation est loin d'être stabilisée : l'Ukraine, c'est peu de le dire, traverse une période très difficile.
Le pays a été amputé d'une part de son territoire aussi grande que la Belgique : la presqu'île de Crimée, que la Russie a annexée en mars 2014. Le gouvernement fait face, dans les régions de l'Est, à des milices séparatistes aidées et armées par cette même Russie. Le conflit - dont le bilan s'élève déjà à plus de 5 000 victimes et quelque 800 000 déplacés et réfugiés - peut à tout moment dégénérer en guerre ouverte avec Moscou.
L'Ukraine doit gérer ce contexte militaire extrêmement tendu alors qu'elle se trouve en pleine tourmente économique. Elle a terminé l'année 2014 avec un PIB en chute de 7,5 %. En un an, l'inflation a été de 21 % et la monnaie a perdu près de 50 % de sa valeur. Pour assurer son équilibre budgétaire, le gouvernement de Kiev aura besoin dans les six mois d'une aide financière massive, évaluée à 15 milliards de dollars (1).
Last but not least : le pays est l'enjeu d'une nouvelle guerre froide entre le monde occidental et la Russie dont il est difficile de prévoir la fin...
Malgré tous ces vents contraires, l'Ukraine s'est lancée dans un vaste programme de réformes, le plus ambitieux depuis l'indépendance acquise en 1991. Une impressionnante série de chantiers a été engagée. Objectifs : rompre avec les restes du passé soviétique, transformer l'économie et échapper définitivement à la tutelle russe. Petro Porochenko l'a dit le 14 décembre lors d'une visite à Varsovie : l'Ukraine veut s'orienter vers une intégration euro-atlantique et aspire à se porter officiellement candidate à l'Union en 2020. Elle se prépare à relancer sa candidature à l'Otan, sans donner de date.
Se pose dès lors pour nous, Européens, une question qui nous met dans l'inconfort : jusqu'où devons-nous nous engager pour aider l'Ukraine ? Faut-il prendre le risque de se fâcher durablement avec la Russie ? Serait-il raisonnable de creuser un peu plus nos déficits pour soutenir ce pays ? Et pouvons-nous, en même temps, rester sourds à son appel ?


De « pont entre l'Est et l'Ouest » à candidat à l'UE


Deux décennies perdues ?
Si l'idée de voler au secours de l'Ukraine ne fait pas l'unanimité aujourd'hui au sein de l'UE, c'est au moins en partie parce que, dans le passé, ce pays a plusieurs fois déçu. En 1991, alors que les États baltes s'engageaient dans une thérapie de choc, l'Ukraine choisissait de ne pas bouleverser un système …