Les Grands de ce monde s'expriment dans

Pollution : une bombe à retardement pour la Chine

Comment en est-on arrivé là ?

Telle pourrait être la question que se poserait un voyageur qui reviendrait en Chine en 2014 après l'avoir quittée vingt ans plus tôt. Aujourd'hui, toutes les conversations portent sur les problèmes fondamentaux de l'air, de l'eau, de la terre et, accessoirement, de l'alimentation. En accédant aux fonctions les plus élevées du régime en novembre 2012, le président Xi Jinping a lancé le slogan qui constitue son programme et qui se résume en deux mots : le « rêve chinois », c'est-à-dire l'objectif visant à conduire le pays entier à une relative prospérité. Les internautes ont immédiatement réagi sur les réseaux, s'exclamant en nombre : « Le rêve chinois ? C'est un air pur à respirer, une eau propre à boire et des aliments non frelatés à consommer ! »
À Pékin, on dit maintenant que la qualité de l'air est acceptable lorsqu'on peut apercevoir clairement la façade de l'immeuble d'en face de chez soi...
Même si tous les États développés ont connu des pics de pollution au cours de leur histoire - que l'on pense, entre autres exemples, au fameux smog qui couvrait fréquemment Los Angeles dans les années 1960 et 1970 ou au terrible brouillard londonien qui s'abattit sur la population en décembre 1952 -, aucun pays, à notre connaissance, n'a subi au XXIe siècle une aggravation aussi importante de la pollution de son environnement sans parvenir à en enrayer le processus. On attribue souvent ce phénomène catastrophique à l'accélération rapide de la production industrielle ; mais ses causes ne seraient-elles pas liées tout autant, sinon davantage, aux défauts inhérents au système du parti-État qui gouverne la Chine depuis près de soixante-dix ans ?


La légitimité du pouvoir


Le pouvoir chinois, qui ne saurait se prévaloir d'une quelconque légitimité issue des urnes, sait que seule une croissance économique constante et l'espoir d'une élévation du niveau de vie pour tous permettront au parti communiste de conserver son monopole sur la société. Pour maintenir un niveau de croissance élevé, le gouvernement a choisi de privilégier le développement rapide des infrastructures ; l'urbanisation massive ; et l'introduction de nouvelles mesures permettant la mobilité sociale et l'intégration d'une partie de la masse des paysans dans les villes. La proportion de paysans représentait encore 80 % de la population au début des années 1980 : elle se situe depuis 2013 juste en dessous de la moitié de la population globale. Cette évolution signifie que 30 % de l'ensemble des Chinois ont quitté le travail de la terre. Or ce travail, qui s'opérait pratiquement exclusivement à la main et avec des outils traditionnels comme la faux, la bêche ou la charrue tirée par un buffle, demeurait respectueux de la nature. En revanche, les cohortes d'ouvriers chargés de construire les tours de Shanghai, les aéroports qui quadrillent désormais le pays, les autoroutes, les barres d'immeubles qui ont poussé sur les ruines des ruelles arborées de Pékin ou encore les innombrables usines chimiques dans toutes les provinces soulèvent des nuages de …