Né à Glasgow en 1948 d'un père polonais et d'une mère irlandaise, Denis MacShane a été journaliste avant de siéger à la Chambre des communes dans les rangs travaillistes de 1994 à 2012. Secrétaire d'État aux Affaires européennes de 2002 à 2005, ce francophile et francophone a toujours milité pour la construction européenne. Il n'a pas pu poursuivre sa carrière ministérielle faute d'avoir su choisir, admet-il, entre Tony Blair (qu'il avait fermement soutenu en 2003 lors de l'intervention en Irak) et Gordon Brown (le chancelier de l'Échiquier et futur premier ministre). Après être redevenu un député de base, il a siégé au Conseil de l'Europe et à l'Assemblée parlementaire de l'Alliance atlantique. Une condamnation en justice pour fausses notes de frais l'a contraint à abandonner la politique il y a trois ans, mais cet analyste et ce polémiste de talent reste très actif dans le domaine de la presse et de l'édition. Son dernier livre, Brexit : comment la Grande-Bretagne va quitter l'Europe (non encore traduit en France) est disponible sur le site de l'éditeur (1).
B. B.
Baudouin Bollaert - Avez-vous été surpris par la large victoire du parti conservateur de David Cameron lors des élections législatives du 7 mai dernier ?
Denis MacShane - Pas vraiment, car il est très difficile pour un parti d'opposition comme le parti travailliste de revenir aux affaires lorsqu'il a été au pouvoir deux ou trois législatures d'affilée. Ce qui m'a surpris, en revanche, ce sont deux choses : le recul du parti libéral-démocrate qui ne dispose plus que d'une poignée de députés à la Chambre des communes et la quasi-disparition du parti travailliste en Écosse au profit du parti indépendantiste, le SNP. L'Écosse devient en quelque sorte le Québec du Royaume-Uni ! Un Royaume-Uni qu'il vaudrait mieux appeler désormais le Royaume désuni...
B. B. - Alors que M. Cameron, à peine réélu, a confirmé qu'il organiserait un référendum sur l'Europe avant 2017, comment expliquez-vous que les questions européennes aient été si peu été abordées au cours de la campagne électorale ?
D. M. - C'est une décision soigneusement pesée par les dirigeants conservateurs et le manager de leur campagne électorale, Lynton Crosby, un brillant Australien de droite. Si je le pouvais, je l'engagerais tout de suite comme chef de la campagne en faveur du maintien de la Grande-Bretagne dans l'Union européenne car, dans son domaine, c'est un génie ! Il a déconseillé aux Tories de parler de l'Europe pour ne pas faire le jeu du UKIP, la formation europhobe de Nigel Farage, et mieux se concentrer sur les succès économiques du gouvernement sortant. Une tactique efficace. Les travaillistes, eux, ont mentionné au début de la campagne qu'ils n'organiseraient pas de référendum sur l'Europe en cas de victoire. Mais cela n'a eu aucun écho dans les médias - très largement eurosceptiques -, et les thèmes européens sont passés à la trappe.
B. B. - David Cameron n'en a pas moins tenu sa promesse sur le référendum en 2017...
D. M. - Je crois même qu'il aura lieu dès l'an prochain, en 2016 ! Dans l'entourage du premier ministre, dans les milieux d'affaires et parmi les conservateurs qui ne sont pas fanatiquement anti-européens, on pense en effet que le plus tôt sera le mieux. Il y aura d'importantes échéances électorales en 2017 en France et en Allemagne et y mêler le référendum britannique serait dangereux. D'autant que la popularité de M. Cameron risque de fondre au fil des mois avec la coupe annoncée de 17 milliards d'euros supplémentaires dans les dépenses publiques du royaume et l'usure du pouvoir... Les électeurs seront tentés de voter pour ou contre la politique d'austérité du gouvernement plutôt que pour ou contre le maintien de leur pays dans l'UE. Mieux vaut donc ne pas trop attendre.
B. B. - Comment David Cameron peut-il convaincre les Britanniques de rester dans l'Union ?
D. M. - D'abord, David Cameron devra faire un gros effort sur lui-même car, depuis qu'il est entré en politique, je ne l'ai jamais entendu prononcer un mot positif sur la construction européenne. Ensuite, il …
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