On anticipe mieux les réactions des États lorsque l'on a l'occasion de discuter librement avec ceux qui les gouvernent. Tout spécialement si cette conversation se déroule dans un cadre informel et sans chronomètre. On perçoit bien, à ce prix, qui est l'homme derrière la fonction, quels ressorts le meuvent, quelles références intellectuelles l'inspirent, quels sont ses projets et ses rêves.
Le Premier Ministre grec Alexis Tsipras nous a offert l'occasion d'une telle observation en consacrant une bonne partie d'un samedi matin de juin à un entretien avec notre Revue. À Athènes. Au coeur de la crise que l'on sait, le jeune chef de gouvernement de 41 ans, détendu et volontaire, a évoqué son parcours, les influences qu'il a subies, les dirigeants qu'il admire, les régimes dont il se sent proche, le sens profond de son combat et, cela va de soi, sa stratégie alternative pour la Grèce en Europe.
Quel que soit le visage de l'avenir, quelle que soit l'issue des turbulences actuelles, Alexis Tsipras incarne d'ores et déjà un temps fort de l'histoire politique du Vieux Continent. Ne serait-ce qu'à ce titre, il faut l'écouter avec attention...
Au-delà du cas spécifique de la Grèce, la victoire de Syriza révèle une autre attente, un autre souhait des sociétés civiles européennes : que l'on prive les partis politiques traditionnels d'une part de leur toute-puissance et que l'on rapproche les citoyens des décisions qui sont prises en leur nom.
Tel est bien le sens des récentes élections locales en Espagne. Des élections qui ont vu les nouveaux partis réaliser une percée spectaculaire, contraindre les formations anciennes à de nombreuses concessions et jouer, souvent, les faiseurs de rois... en attendant mieux. Entendez : en attendant des législatives qui, dans quelques mois, devraient les rapprocher du pouvoir.
Le plus connu de ces mouvements émergents est, on le sait, Podemos. Son chef, Pablo Iglesias, nous a réservé, lui aussi, une longue et décoiffante interview exclusive.
Défiée par ces nouveaux leaders qui récusent la cure d'austérité comme moyen de sortir de la crise, l'UE résiste. Mais que sera son destin si elle tarde trop à maîtriser le chômage, l'immigration sauvage, l'insécurité, les tensions avec la Russie de Poutine ? Que restera-t-il du rêve européen ? Bref, comment réenchanter l'Europe ?
Pour répondre à cette question existentielle, nous avons sollicité, comme à l'accoutumée, ceux qui décryptent l'événement et ceux qui le modèlent, les meilleurs experts et les acteurs. Tous s'expriment ici sans détour - du Commissaire européen Pierre Moscovici au ministre des Affaires étrangères belge Didier Reynders ; du chef de la diplomatie lituanienne Linas Linkevicius au Président tchèque Milos Zeman ; de l'ancien Secrétaire d'État aux Affaires européennes de Tony Blair, Denis MacShane, au Premier Ministre albanais Edi Rama...
Nos lecteurs apprécieront, je pense, la variété et la qualité de ces points de vue.
*
Il n'y a pas que l'Europe. Notre Rédaction a souhaité également, ce trimestre, braquer le projecteur sur quelques-unes des grandes interrogations du moment. Celles-ci, par exemple :
- Daech peut-il être vaincu et, dans l'affirmative, à quelles conditions ?
- L'Arabie saoudite soutient-elle toujours le fondamentalisme musulman ?
- La Turquie de Monsieur Erdogan reste-t-elle un allié fréquentable ?
- Dans quelle mesure l'Iran est-il le grand bénéficiaire des bouleversements survenus au Moyen-Orient depuis l'intervention américaine en Irak ?
- Le ralliement de Boko Haram à l'État islamique met-il, à terme, le continent africain en péril ?
Autant de questions qui appellent, à l'évidence, des réponses courageuses.
Mon ami Alexandre de Marenches me disait souvent : « Ceux qui n'ont pas de courage ne savent pas ce qu'ils perdent. » Désormais, on le sait.
À toutes et à tous : bonne lecture.