Les Grands de ce monde s'expriment dans

L'homme qui veut sauver la Grèce

 

Patrick Wajsman - Quel est l'événement qui vous a propulsé dans l'action politique ?
Alexis Tsipras - Franchement, je ne crois pas qu'il y ait eu un événement particulier. C'était plutôt une tendance naturelle, une inclination. Depuis ma prime jeunesse, je me suis toujours intéressé à la vie de la communauté. Au lycée, déjà, j'étais délégué de classe et président du Conseil de l'école !
P. W. - Votre engagement à gauche était-il lié à votre environnement familial ou procédait-il de votre analyse personnelle ?
A. T. - Mes parents ne votaient pas à gauche, ils appartenaient au centre gauche. Mon choix à moi était associé à mes lectures et à mes camarades...
P. W. - Un jour, j'ai posé à Mme Merkel la question suivante : « Quand avez-vous compris que le communisme, ça ne marche pas ? » J'ai envie, Monsieur le Premier ministre, de vous poser la même question à l'envers : « Quand avez-vous pensé pour la première fois que le capitalisme, ça ne marche pas ? »
A. T. - Pendant ma scolarité, j'ai été influencé par mes premières lectures et par la conviction qu'on pouvait changer le monde. J'ai été enthousiasmé par la lecture du Capital de Marx, notamment parce qu'à travers ce livre j'ai compris comment fonctionne le capitalisme.
Bien entendu, graduellement, ma réflexion politique a été associée à une lutte concrète en faveur de la justice sociale, à une lutte destinée à changer les choses dans notre quotidien. Mais je n'ai jamais eu la candeur de croire que le dépassement du capitalisme était une tâche facile !
P. W. - Quels sont les dirigeants vivants ou morts dont les convictions sont les plus proches des vôtres ?
A. T. - Évidemment, étant donné que j'appartiens à la gauche, les idoles de ma jeunesse étaient Che Guevara, Fidel Castro et, pour ce qui est de l'Europe, Enrico Berlinguer. Parmi d'autres... Cela vous étonne ?
Mais j'éprouve d'autres sympathies, à l'égard de leaders tant radicaux que conservateurs. Par exemple, je considère que celui qui a posé les fondements d'un développement juste sur le plan social était Roosevelt aux États-Unis. C'est lui qui a dit : « La seule chose dont il faut avoir peur, c'est la peur elle-même. » Cette phrase est devenue, pour moi, une sorte de devise qui me donne chaque jour la force d'avancer.
Sur le continent européen, il y a eu de fortes personnalités, des dirigeants qui n'existent plus aujourd'hui et qui auraient pu tracer un horizon différent pour leur pays : Helmut Schmidt en Allemagne ou François Mitterrand en France. Mais, surtout, il est dommage que, de nos jours, nous ne puissions plus côtoyer des hommes comme Willy Brandt. De tels leaders portaient une authentique vision de la justice sociale en Europe. Cela dit, je ne vois pas de « modèle » auquel j'aimerais ressembler.
P. W. - Willy Brandt et Roosevelt, en tout cas, me semblent être d'intéressantes références. Quoi qu'il en soit, quelle est, à vos …