Les Grands de ce monde s'expriment dans

Peut-on vaincre Daech ?


L'expansion de l'État islamique au Moyen-Orient et dans l'ensemble du monde arabo-musulman peut-elle être contenue ? C'est la question qui, depuis plusieurs mois, taraude tous les esprits. Tandis que la coalition internationale conduite depuis 2014 par les États-Unis annonçait il y a peu avoir infligé d'importants revers au groupe devenu la première menace terroriste mondiale, celui-ci s'emparait, en mai 2015, des villes de Ramadi en Irak et de Palmyre en Syrie. L'État islamique contrôle à ce jour 40 % du territoire irakien (provinces d'Al-Anbar, Ninive et Salahaddin) et plus de 50 % du territoire syrien (provinces de Deir Ezzor, Raqqa, Hassaka, Alep et Hama). Au fil d'actions spectaculaires, ses combattants ont montré leur détermination à parachever un « califat » à la fois régional et global. Les capitales occidentales, elles, paraissent désemparées face à cette inexorable avancée. Il est vrai que la nature de l'ennemi est loin de relever de l'évidence malgré l'abondance d'informations disponibles sur le sujet depuis le début de la crise. Au-delà de ses exactions abjectes, Daech (1) est un objet multiforme - à la fois politique, idéologique, social et culturel - qui plonge ses racines dans le conflit issu de la guerre d'Irak de 2003. Le groupe est parvenu, avec une impressionnante célérité, à transcender sa base irakienne pour s'exporter par-delà les frontières.
Dans son sillage, il a également ouvert une nouvelle séquence d'instabilité sanglante dans un Moyen-Orient où la trajectoire heurtée du sunnisme face à la montée en puissance continue de l'Iran et de ses alliés chiites n'a toujours pas trouvé d'issue. En Irak, point de départ de cette dynamique infernale, les Arabes sunnites ont été relégués au second plan de la transition. Pendant un temps, ils ont tenté par différents moyens de retrouver une place dans ce « nouvel Irak » prétendument démocratique et prospère (2). Mais, réduits au statut de « parias » sur la longue durée, ils ont fini par introniser Daech comme instrument de leur revanche.
Les puissances régionales, quant à elles, sont aujourd'hui partagées face à ce « Frankenstein » qu'elles ont, pour certaines, contribué à façonner. Car Daech est aussi le produit des guerres que se livrent les États voisins de l'Irak et de la Syrie depuis plusieurs années. Un enfant monstrueux qui a su rassembler les mécontents, les marginaux et les frustrés de tous bords.


Une décennie de ressentiment sunnite


Depuis 2003, la question de la participation politique des Arabes sunnites n'a cessé d'empoisonner le déroulement de la transition irakienne. Ainsi, dès le début de l'occupation, plusieurs mesures prises par les États-Unis se révèlent délétères, en particulier le démantèlement simultané de l'armée et du parti Baas (3) qui a pour effet d'exclure les Arabes sunnites des institutions. Washington considère à l'époque qu'il faut, pour garantir un véritable changement politique à Bagdad, transférer les pouvoirs de cette « minorité dominante » (4) (entre 20 à 30 % de la population) vers la « majorité dominée », chiite et kurde (entre 70 et 80 %), sans quoi une démocratie irakienne, …