À bientôt 58 ans, Pierre Moscovici est l'un des rares hommes politiques français à avoir placé sa carrière politique sous le signe de l'Europe et à affirmer bien haut sa cohérence en ce domaine. Ministre délégué aux Affaires européennes dans le gouvernement Jospin, ministre de l'Économie et des Finances dans le gouvernement Ayrault, député européen durant six ans, le voilà aujourd'hui commissaire aux affaires économiques et financières, à la fiscalité et à l'union douanière jusqu'en 2019. Ce vieux routier de l'Union européenne, qui a contribué à de multiples débats au parlement de Strasbourg, connaît la machine communautaire sur le bout des doigts.
Même s'il est officiellement « coiffé » par le Letton Valdis Dombrovskis, vice-président de la Commission chargé de l'euro et du dialogue social, Pierre Moscovici n'a pas à se plaindre. Les deux hommes ont signé un document précisant clairement leurs attributions et le périmètre de compétences du Français est l'un des plus larges du collège bruxellois. Très proche du président Juncker, son « vieil ami et complice », il participe ainsi aux réunions du G7, du G20, du FMI et de l'Eurogroupe.
Dans une Europe ébranlée par la crise, en proie à la montée des partis extrémistes et menacée par le « Brexit » ou le « Grexit », sa tâche n'est pas facile. D'autant que, en sa qualité d'ancien grand argentier d'un pays placé sous « surveillance renforcée », sa crédibilité est parfois contestée. Mais l'homme croit à la reprise économique et au « nouveau cap » fixé par la Commission.
B. B.
Baudouin Bollaert - Vous vous dites social-démocrate, réformateur et pro-européen. Comment vous sentez-vous au sein de la Commission présidée par Jean-Claude Juncker ?
Pierre Moscovici - Je suis assurément minoritaire dans ce collège qui ne compte que huit socialistes, contre cinq libéraux, un conservateur britannique et quatorze membres issus du Parti populaire européen, c'est-à-dire de partis de droite ou de centre droit. Cela dit, je ne m'attache pas aux étiquettes politiques et me sens parfaitement à l'aise dans cette Commission composée en grande majorité d'anciens chefs de gouvernement ou d'anciens ministres aux personnalités diverses et intéressantes. Je m'y sens à l'aise, car elle a un cap...
B. B. - Lequel ?
P. M. - Le cap, c'est la croissance et l'emploi. Il correspond à une période : celle de la sortie de crise. La reprise s'esquisse dans l'Union européenne et dans la zone euro. Même si elle est encore cyclique et doit être confortée, elle est là. Notre volonté est d'appliquer les règles communautaires de façon flexible et intelligente pour, en particulier, relancer l'investissement. Je suis parfaitement en phase avec les options du président Jean-Claude Juncker : j'ai sa confiance et il a mon soutien. Nous avons depuis longtemps une relation de complicité et d'amitié, c'est lui qui a voulu que j'obtienne ce poste de commissaire chargé des affaires économiques et financières, de la fiscalité et des douanes.
B. B. - Pourquoi ?
P. M. - Peut-être pour mettre l'Europe - et sans doute la France - dans le mouvement... En tout cas, les premières initiatives de la Commission - progressistes et volontaristes - marquent une réorientation de la construction européenne qui me convient en tous points.
B. B. - Quelles sont ces initiatives ?
P. M. - D'abord, le plan d'investissement, dit « plan Juncker » - une démarche sans précédent, que Jacques Delors avait déjà évoquée au début des années 1990 ! Ce plan, financé par un fonds stratégique, libérera 315 milliards d'euros d'investissements publics et privés pour l'économie réelle d'ici fin 2017. Il est destiné à soutenir la croissance et l'emploi. Actuellement, les investissements en Europe sont inférieurs de 15 % à ce qu'ils étaient en 2007. Si nous ne parvenons pas à combler ce fossé, les pays de l'Union deviendront des économies de seconde zone. Les États-Unis investissent, les pays émergents investissent, l'Europe doit investir !
B. B. - D'autres exemples ?
P. M. - Dans le domaine qui est le mien, l'approche des questions budgétaires a changé. Non pas parce que nous avons abandonné les règles de sérieux et de bonne gestion qui sont les nôtres, mais parce que nous y avons introduit de la flexibilité. Quand un État investit, il doit être encouragé ; quand un État fait des réformes, il peut gagner du temps. Je considère qu'on ne doit pas traiter de la même façon un pays dont les conditions cycliques sont mauvaises et un pays qui se trouve dans une situation plus prospère. Nos recommandations dites « spécifiques » à tel ou …
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