Philippe Douste-Blazy, l'air toujours juvénile à 62 ans, court le monde pour convaincre les dirigeants de la planète des vertus de la solidarité. À la tête d'Unitaid (organisation internationale abritée par les Nations unies luttant contre le sida, la tuberculose et le paludisme dans les pays en développement) depuis 2007, secrétaire général adjoint des Nations unies et conseiller spécial de Ban Ki-moon pour les financements innovants du développement, il a renoncé à la politique française dont il regarde les soubresauts de loin, avec un certain amusement ... Une semaine par mois à New York, il donne des cours à Paris où il est professeur de santé publique à Paris VII et sera nommé professeur à Harvard en janvier prochain dans le département de Santé mondiale. Cardiologue de formation, il voyage le reste du temps dans les capitales des cinq continents pour plaider la cause des pauvres, des malades et des migrants. « À titre bénévole », précise-t-il. Lui qui a connu les ors des ministères de la Culture, de la Santé et des Affaires étrangères, qui a été maire de Lourdes puis de Toulouse, a parfois l'impression de « prêcher dans le désert ». Mais il n'a jamais autant cru en sa mission. Aujourd'hui, affirme-t-il, « c'est le seul combat politique qui vaille ».
B. B.
Baudouin Bollaert - Les objectifs du Millénaire pour le développement approuvés par l'ONU en l'an 2000 (1) arrivent à échéance cette année. Quel bilan peut-on établir ?
Philippe Douste-Blazy- Ce bilan est basé sur deux constats très clairs : d'abord, pour la première fois dans l'histoire de l'humanité, la communauté internationale s'est engagée en faveur d'une contribution massive à l'aide publique au développement. Et, contrairement à ce que pensent de très nombreux sceptiques, cette aide ne consiste pas à humecter le désert avec un arrosoir ! Un exemple éloquent : la mortalité infantile a diminué de moitié en 25 ans. Ce qui prouve bien que, lorsqu'on investit de l'argent au service d'une cause, ça marche ! Deuxième constat : les objectifs sont loin d'être tous atteints, ce qui signifie que nous devons faire davantage. Il faut donc trouver plus d'argent et s'assurer que cet argent sera bien dépensé.
B. B. - À combien l'aide au développement s'élève-t-elle aujourd'hui ?
P. D.-B.- À 124 milliards de dollars par an. Mais il faudrait 100 à 200 milliards de plus... Quand on voit les sommes vertigineuses que les États ont dépensées en 2008 pour sauver leurs systèmes bancaires après la crise des subprimes et la faillite de Lehman Brothers, on se dit que l'argent existe...
B. B. - Mais comment se montrer plus généreux lorsque le chômage augmente et que les déficits se creusent dans la plupart des pays riches ?
P. D.-B.- Il est vrai que la crise économique qui touche les pays de l'OCDE, autrement dit les États les plus prospères, se traduit par une diminution de l'aide publique au développement. Mais si la plupart des pays diminuent leur aide - et, malheureusement la France fait partie de ceux-là -, d'autres parviennent à la maintenir. Je pense à la Norvège, à la Suède, mais aussi au Royaume-Uni. Tous les ministères britanniques ont été affectés par le plan d'économies de 95 milliards de livres sterling lancé il y a quatre ans par le gouvernement de David Cameron... à l'exception du ministère du Développement. Les aides qu'il distribue correspondent à 0,7 % du PIB britannique : chapeau ! Dans les autres pays, c'est plus difficile. La crise est là, avec ce qu'elle suppose de crispation identitaire, de protectionnisme et de peur de l'autre. La montée de l'extrême droite en Hongrie, en Pologne ou en France tétanise les gouvernements en place. Dans ce contexte, augmenter les impôts pour l'aide au développement, inutile d'y songer, hélas !
B. B. - Que préconisez-vous ?
P. D.-B.- Primo, il faut convaincre les dirigeants actuels de parier sur le long terme en augmentant coûte que coûte cette aide au développement. Tout simplement parce que c'est l'avenir de nos enfants qui est en jeu. Il ne s'agit pas de charité, il s'agit de solidarité bien comprise : on donne et on reçoit. La crise migratoire actuelle montre bien que la solution au problème passe par une politique de développement qui permettrait aux migrants de rester chez eux. Car, je …
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