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Argentine : l'après-Kirchner

Au moment où nous mettons sous presse, le nom du vainqueur de la présidentielle argentine n'est pas encore connu. Mais il nous a semblé utile et éclairant de revenir un peu en arrière et de braquer le projecteur sur cette campagne électorale dont l'issue peut changer le destin du pays.
« L'Argentine est condamnée à vivre une crise tous les dix ans », dit un adage local qui s'est trop souvent vérifié, comme si ce pays doté de toutes les richesses ne pouvait s'empêcher de flamber, de se brûler les ailes, sans jamais vraiment décoller. Après la grande fête « pizza-champagne » des années 1990 - période de parité entre le peso et le dollar, d'argent facile, de faste tape-à-l'oeil, de privatisations à tout-va et de néolibéralisme décomplexé -, l'Argentine s'écroule en 2001. C'est la banqueroute, le plus gros défaut de paiement de l'Histoire.
L'année 2003, qui voit l'élection de Nestor Kirchner - son épouse lui succédera en 2007 et sera réélue en 2011 -, marque un nouveau départ. Au cours de ces douze années, le pays a totalement pris le contre-pied de la décennie 1990. La période Kirchner a été marquée par le retour en force de l'État, avec de nombreuses mesures sociales et un interventionnisme prononcé dans l'économie.
En cette fin 2015, une page se tourne à nouveau en Argentine. La Constitution interdisant à Cristina Fernández de Kirchner de se représenter à l'élection présidentielle, celle-ci n'a d'autre choix que de s'en aller. « Cristina », ou « CFK » comme l'appellent ses compatriotes, laisse un pays très divisé. La popularité qu'elle conserve et la ferveur qu'elle déclenche encore chez une partie de la population n'existeraient pas si les années Kirchner n'avaient été positives à certains égards, principalement au début, principalement sur le front social. Mais, après douze ans de pouvoir, le système « K » s'essouffle, en particulier d'un point de vue économique. La croissance « à la chinoise » a laissé place à une stagflation et à des déséquilibres structurels. La démocratie a besoin d'air. Les Argentins réclament des réformes et un rééquilibrage - mais sans rebasculer vers l'ultralibéralisme des années 1990, sans effacer les acquis des dernières années et, si possible, sans crise, cette fois-ci.
Deux favoris se sont détachés tout au long de la campagne présidentielle : Daniel Scioli, candidat du Frente para la Victoria, le parti de Cristina, qui incarnait une sorte d'évolution dans la continuité ; et le conservateur Mauricio Macri, à la tête de la coalition « Cambiemos », qui se présentait comme l'homme d'un « changement sans peur ». Deux candidats en réalité moins éloignés qu'il n'y paraît, confrontés aux mêmes lourds défis.


Un pays très divisé


À travers ces deux hommes, c'est d'abord le bilan des Kirchner que les électeurs étaient appelés à juger. Un bilan loin de faire l'unanimité, comme si cette décennie avait transformé l'Argentine en deux pays distincts. Ces dernières années, bien des citoyens sont devenus aveuglément « pro-K » ou excessivement « anti-K ». Les médias …