Il est rare que Reuven Rivlin, le populaire président de l'État d'Israël, s'exprime dans la presse internationale. D'où l'intérêt de ce long entretien accordé à notre Revue, à Jérusalem.
Lorsqu'il a remplacé Shimon Pérès au poste de chef de l'État il y a plus d'un an, M. Rivlin quittait le Parlement israélien tout auréolé du respect que lui portaient ses pairs, de droite comme de gauche.
Après avoir été le bras droit du maire de Jérusalem, député Likoud, ministre, président de la Knesset, Reuven Rivlin semble véritablement s'épanouir dans ses nouvelles fonctions. Exerçant son magistère moral sur la vie publique du pays, il poursuit son objectif de toujours : rassembler tous les citoyens d'Israël, juifs comme arabes.
C'est dans son cadre familial que Reuven Rivlin a d'abord ressenti cette exigence du vivre-ensemble et de la connaissance de l'autre. Né à Jérusalem en 1939, « Ruvi » a grandi dans le quartier de Rehavia où ses ancêtres se sont installés il y a plus de deux siècles. Son père, professeur à l'Université hébraïque de Jérusalem, était considéré avec révérence par les Arabes, lui qui connaissait si bien leur culture et avait traduit le Coran en hébreu.
Ce sont les idées de Vladimir Jabotinsky, leader de la droite nationaliste, qui imprégnaient profondément l'environnement familial de Reuven Rivlin. Et c'est toujours à Jabotinsky que M. Rivlin se réfère lorsqu'il cherche à mener une politique à la fois sioniste et rassembleuse.
Dans cette interview exclusive, le président d'Israël développe pour nos lecteurs sa vision de l'avenir et les conditions d'une cohabitation harmonieuse entre Juifs et Arabes. Envers et contre tout.
A. M et P. W.
Aude Marcovitch et Patrick Wajsman - Monsieur le Président, pourquoi avez-vous décidé d'entrer en politique ?
Reuven Rivlin - Je suis né à une époque où le peuple juif luttait pour créer son propre État. Je suis né à Jérusalem, d'une famille installée sur place depuis sept générations. Mes ancêtres sont arrivés à Jérusalem il y a deux cent dix ans parce qu'ils croyaient qu'au lieu de prier Dieu trois fois par jour en lui demandant de les faire revenir à Jérusalem les Juifs devaient simplement retourner y vivre. Mon arrière-arrière-arrière-grand-père était chef de communauté et rabbin à Vilna. En 1809, une année très particulière où certains Juifs croyaient que le Messie était sur le point d'arriver, il a décidé de rentrer à Jérusalem. Il était hors de question que la famille Rivlin ne soit pas là pour accueillir le Messie ! Depuis, nous suivons le chemin de la reconstruction du royaume du peuple juif, de la construction de l'État démocratique du peuple juif.
A. M. et P. W. - Comment la cohabitation entre communautés juive et arabe se passait-elle à l'époque ?
R. R. - Quand j'étais enfant, nous vivions ici à Jérusalem avec les Arabes, chrétiens et musulmans. Nous habitions le quartier de Rehavia (le même où se trouve aujourd'hui la Beit Hanassi, la maison du président, ndlr.). Une histoire me revient en mémoire. En ce temps-là, toutes les familles se rendaient mutuellement visite. Nous allions chez les musulmans le vendredi, eux venaient nous voir le samedi. Mon père était un grand professeur à l'Université hébraïque de Jérusalem. Il était l'auteur de la première traduction du Coran en hébreu. En 1942, au moment de la bataille d'El-Alamein, nous étions allés chez la famille Fredj, à Bethléem. La famille Nusseibeh était présente elle aussi. Tout le monde parlait de la bataille en cours et se disputait sur son issue. Les Fredj et les Nusseibeh cherchaient à rassurer mon père : « Vous, la famille Rivlin, lui disaient-ils, vous n'avez rien à craindre. Nous savons que les Allemands vont gagner la guerre, qu'ils viendront immédiatement après en Palestine. Mais nous vous protégerons. »
Alors mon père leur a répondu très calmement : « Les Allemands vont perdre la bataille d'El-Alamein contre l'armée alliée commandée par Montgomery ; et après la guerre le peuple juif pourra enfin construire son propre État. Une fois que cet État sera établi, les familles qui vivent à Jérusalem, qu'elles soient musulmanes ou chrétiennes, n'auront pas besoin d'un abri parce que l'on construira ici un État juif démocratique dans lequel chaque citoyen jouira des mêmes droits. Et cet État, ajouta-t-il, sera édifié, aussi, pour permettre à tous les Juifs du monde de retourner dans leur patrie. »
A. M. et P. W. - Quelle a été votre formation intellectuelle ?
R. R. - Dès mon plus jeune âge j'étais convaincu de la nécessité politique de créer l'État d'Israël. J'ai étudié en profondeur les idées de Zeev Jabotinsky (1) et de son parti révisionniste. À l'époque, David …
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