Jean-Paul Picaper - L'Allemagne fait face à un important flux de réfugiés. Comment gérez-vous cette situation ?
Wolfgang Schäuble - Face à cette situation exceptionnelle, l'argent ne saurait être un frein à l'accueil des réfugiés : ceux-ci, quel qu'en soit le coût, doivent être traités avec humanité. D'ailleurs, notre situation économique est bonne. L'Allemagne, pour ce qui la concerne, est en mesure d'absorber ce choc. Pour aider les communes et les régions (Länder) à faire face à ces besoins croissants, nous mettons en place un système flexible qui leur permet d'assurer les prestations essentielles aux demandeurs d'asile durant la durée de l'examen de leur demande.
J.-P. P. - Financièrement, comment résolvez-vous l'équation?
W. S. - Tout en maintenant l'équilibre de notre budget fédéral, nous mettons de côté, cette année, via un collectif budgétaire, 5 milliards d'euros de notre excédent budgétaire, provenant de recettes fiscales supplémentaires ; et cela, pour financer durant l'exercice 2016 et les suivants les coûts liés à l'afflux de réfugiés - que ces dépenses soient honorées par l'État fédéral ou qu'elles soient supportées par les communes et les Länder.
J.-P. P. - Comment répartissez-vous les dépenses liées à la présence de réfugiés entre l'État fédéral, les Länder et les communes ?
W. S. - Tous les acteurs publics - l'État fédéral, les Länder et les communes - participent à cet effort. L'État fédéral entend bien évidemment aider les Länder. Mais il doit faire face à ses propres dépenses. Il n'est pas question que l'État fédéral règle seul la note. Des Länder et des communes ont, eux aussi, dégagé des excédents budgétaires et perçoivent une bonne part des recettes fiscales. Le système de compensation mis en place entre l'État fédéral et les Länder prévoit que, à partir de 2016, l'État fédéral prendra à sa charge durant cinq mois les 670 euros mensuels nécessaires pour financer l'« examen de passage » et la présence d'un demandeur d'asile. Cinq mois, c'est, en effet, la durée moyenne actuelle d'examen des demandes d'asile. Mais nous allons nous efforcer de vérifier plus rapidement ces demandes, ce qui diminuera la durée de la prise en charge.
J.-P. P. - Selon le ministre fédéral de l'Économie, Sigmar Gabriel, la République fédérale est en mesure d'accueillir 500 000 réfugiés par an. Un million, en revanche, est un chiffre qui dépasserait les capacités d'accueil...
W. S. - Ce qui est sûr, en tout cas, c'est que le défi des réfugiés ne peut être relevé par la seule République fédérale. Nous avons en Europe des frontières ouvertes dans le cadre de l'espace Schengen. L'Allemagne, il est vrai, a dû réintroduire provisoirement des contrôles à ses frontières - comme les accords de Schengen le permettent pour des cas exceptionnels. Mais, je le répète, la solution ne peut être que collective et à l'échelle de l'Europe. Les Vingt-Huit doivent agir en concertation.
J.-P. P. - Comment faire comprendre à certains pays européens que l'heure est à la solidarité ?
W. S. - On s'est mobilisé, des journées durant, pour venir …
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