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Australie : les atouts du nouveau premier ministre

Un grand soupir de soulagement : telle fut la réaction de la population australienne au lendemain de l'éviction de Tony Abbott et de son remplacement par Malcolm Turnbull au poste de premier ministre, le 14 septembre 2015 (1). Tous deux sont issus des rangs du Parti libéral qui, avec ses partenaires de la coalition (2), a remporté les élections fédérales de 2013. L'Australie avait désormais à sa tête quelqu'un de présentable, qui ne risquait guère de se ridiculiser en public comme Abbott avait la fâcheuse habitude de le faire (3), et qui rendrait sans doute un peu de sérénité à la vie politique. Le pays connaissait son cinquième premier ministre en cinq ans, ce qui nuançait le soulagement d'une pointe d'inquiétude. Le tourniquet allait-il enfin s'arrêter, ou bien l'Australie était-elle condamnée à une instabilité politique chronique ?
Des élections législatives sont prévues pour le second semestre de 2016, de sorte qu'un nouveau changement de gouvernement n'est pas à écarter d'emblée. La brièveté des mandats de député (trois ans) favorise l'instabilité mais, en pratique, elle était jusqu'ici compensée par l'attribution presque systématique d'un second mandat à un gouvernement nouvellement élu. Cela n'est plus vrai, puisque Kevin Rudd (2007-2010), Julia Gillard (2010-2013) et Tony Abbott (2013-2015) n'ont accompli qu'un seul mandat (4), qu'ils n'ont même pas pu mener à son terme.


Un nouveau premier ministre populaire


Malcolm Turnbull dispose toutefois de sérieux atouts pour exercer durablement le pouvoir, à commencer par une incontestable popularité. Les électeurs le préféraient depuis longtemps à Tony Abbott, et son accession au poste de premier ministre a confirmé sa place de favori sur l'échiquier politique. Un sondage réalisé le 16 septembre, au lendemain du vote qui l'a porté à la tête du gouvernement, lui attribuait une marge de préférence très confortable (70 à 24) sur son adversaire Bill Shorten, le dirigeant travailliste qui reléguait jusqu'alors régulièrement Tony Abbott à la deuxième place (5). Il ne devrait pas lui être trop difficile de tirer les leçons de l'échec de son prédécesseur - mais aussi de son propre échec lorsqu'il était lui-même à la tête du Parti libéral. Les sondages vont et viennent, cependant, et la route qui le mènerait à un mandat de plein exercice, c'est-à-dire entériné par les électeurs, reste semée de quelques embûches.
Turnbull, né en 1954, est un politicien policé, cultivé, excellent communicant, qui n'a pas de mal à attirer la sympathie bien que sa fortune - estimée à 200 millions de dollars australiens (près de 150 millions d'euros) - le situe dans ce qui fait figure d'aristocratie en Australie. On le surnomme d'ailleurs le « prince de Point Piper », en référence à ce quartier très huppé de Sydney où il réside. Après des études de droit aux Universités de Sydney et d'Oxford (où il fut « Rhodes Scholar », comme Tony Abbott quelques années plus tard), il devint avocat et connut la gloire en triomphant du gouvernement britannique dans le procès que celui-ci intenta à la fin des années 1980 à un ancien …