Il paraît que le temps est jaloux de ce que l'on fait sans lui. Nous nous sommes inspirés de cette maxime. Un peu plus de 37 ans après sa mise sur orbite, Politique Internationale vous présente, ce trimestre, son 150e Numéro. Cent cinquante numéros dans lesquels nous avons décrypté les plus brûlants des dossiers internationaux et accueilli les grands fauves de la scène mondiale. Cent cinquante numéros où se sont côtoyés ceux qui analysent l'événement et ceux qui le façonnent - quelles que soient leurs convictions.
On ne s'étonnera pas qu'un tel pluralisme continue d'inspirer cette livraison d'hiver. Une livraison que nous avons placée, symboliquement, sous le signe de l'Europe en demandant à Jean-Claude Juncker d'en être, en quelque sorte, le parrain.
Le président de la Commission nous livre ses commentaires lucides - et parfois provocateurs - sur les défis que doit relever l'UE : flux migratoires, union économique et monétaire, énergie, changements climatiques, terrorisme, « Brexit »... Autant de sujets qui sont ensuite disséqués par les meilleurs experts.
Nous nous réjouissons, également, que des personnalités aussi influentes que Jacques de Larosière (l'ancien patron du FMI) ou Margot Wallström (la tonique ministre des Affaires étrangères suédoise) aient bien voulu, chacun dans sa sphère de compétence, contribuer à cette réflexion.
Deuxième sujet majeur : Moscou et l'Ukraine. Le chef de l'État ukrainien Petro Porochenko - qui nous accorde, ici, l'une de ses rares interviews exclusives - livre, simultanément, deux combats : contre la corruption et contre les Russes qui, on le sait, ont annexé la Crimée en mars 2014 et soutiennent une rébellion séparatiste dans l'est du pays. Jusqu'à quand Vladimir Poutine défiera-t-il avec une telle désinvolture les lois internationales ? Autre interrogation : en intervenant (de façon très sélective !) dans la lutte contre l'État islamique, ne cherche-t-il pas, surtout, à faire oublier ses forfaits, à amadouer les Occidentaux et, par voie de conséquence, à obtenir une levée des sanctions très pénalisantes qui frappent la Russie ?
Nous avons demandé à l'oligarque Sergueï Pougatchev - qui, avant sa disgrâce, fut pendant une décennie l'ami le plus proche du maître du Kremlin - d'étancher notre curiosité et d'explorer la part d'ombre de cet ancien Kgbiste qui ne croit qu'à la force, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur, et refuse de comprendre qu'il y a un prix à payer pour appartenir au club des nations civilisées.
Soit dit en passant, Poutine n'est pas le seul parmi nos interlocuteurs familiers à céder ainsi à l'ivresse de la toute-puissance. D'autres que lui, à un moindre niveau il est vrai, s'engagent aussi dans cette voie. Par exemple, le président turc Recep Tayyip Erdogan. Un homme qui a tendance à bâillonner et à embastiller ses contempteurs (notamment dans la presse), qui massacre allègrement les Kurdes et dont les pratiques interlopes n'honorent pas la démocratie.
Compte tenu de l'appartenance de la Turquie à l'Otan, comment « gérer » un allié aussi peu recommandable ? On trouvera, dans ce Numéro, des éléments de réponse.
Troisième dossier : les atouts et les handicaps de Daech. Après l'Irak et la Syrie, l'organisation djihadiste pousse désormais ses pions en Libye. Et même au Nigeria. Comment tarir les ressources financières et infiltrer les réseaux de cette horde obscurantiste et barbare ? Comment l'éradiquer militairement ? Comment lutter contre les métastases qu'elle développe jusqu'au coeur de notre Vieux Continent ?
Là encore, nous avons ouvert nos colonnes aux plumes les plus compétentes.
Cette plongée multiforme dans l'actualité n'épuise pas, on s'en doute, la totalité du riche sommaire de ce numéro d'hiver : de la mise en échec du « chavisme » au Venezuela aux périls dont doit triompher Benyamin Netanyahou en Israël, des tensions renaissantes dans les Balkans aux récentes réorientations politiques en Australie, nous avons braqué notre projecteur sans exclusive ni a priori.
Voilà. L'essentiel est dit, je crois. Ce Numéro 150 vous tend les bras. Politique Internationale vous remercie pour ces 37 années de fidélité.
À toutes et à tous : bonne lecture.