Les Grands de ce monde s'expriment dans

Quand Benyamin Netanyahou pense le monde

Benyamin Netanyahou s'apprête à battre un record. S'il achève le nouveau mandat que lui ont confié les électeurs en mars 2015, il sera resté au pouvoir plus longtemps que David Ben Gourion, fondateur de l'État juif moderne et premier premier ministre d'Israël de 1948 à 1963. Ses contempteurs ont beau critiquer son immobilisme, sa propension à l'emporter de justesse à chaque scrutin, une certaine arrogance, son goût pour les coalitions gouvernementales hétéroclites voire incohérentes ou encore son côté retors et manoeuvrier, force est de reconnaître son exceptionnelle ténacité. Mais pour quoi faire ?
Fils spirituel des leaders nationalistes Begin et Shamir (1), « Bibi » a conquis le pouvoir en 1996, devenant le plus jeune chef de gouvernement de l'histoire du pays après avoir vaincu le prestigieux Shimon Pérès. Cette fois, le Likoud a certes réalisé un score honnête, mais c'est bel et bien sur son nom, son expérience et son programme - au moins autant que sur l'attachement au parti ou sur la défiance envers les travaillistes - que Netanyahou s'est une fois de plus succédé à lui-même. Quelle est donc la vision du monde de cet insubmersible premier ministre ?


Américains et Européens : l'Occident comme allié naturel


Netanyahou connaît bien les États-Unis. Il y fut successivement élève, étudiant, diplomate, ambassadeur, et son père Benzion y résida jusqu'à sa mort en avril 2012. Avant de se lancer dans l'arène israélienne, il côtoya les ténors de la vie politique et institutionnelle américaine, avec une prédilection pour les républicains et, parmi eux, les néoconservateurs qui auront leur heure de gloire sous Ronald Reagan et, surtout, sous George W. Bush. D'autres milieux très divers, comme les évangéliques sionistes, la communauté juive, l'armée ou encore le high tech et les médias ne lui sont pas indifférents non plus. Netanyahou a toujours considéré que l'alliance américaine devait à tout prix être maintenue et renforcée ; certes, ce fut l'avis de tous ses prédécesseurs, travaillistes comme nationalistes, mais lui s'y emploie avec une efficacité et un acharnement hors du commun (2).
Bras de fer victorieux avec Obama
Pourtant, avec Barack Obama, la tâche s'avéra particulièrement ardue. Issu de la gauche du parti démocrate, indifférent à l'évangélisme pro-sioniste et non européen d'origine, l'hôte de la Maison-Blanche était naturellement peu enclin à partager l'empathie de ses deux prédécesseurs immédiats envers Israël et, a fortiori, envers son chef de gouvernement nationaliste. De fait, Obama exprima immédiatement la conviction qu'il fallait remettre sur les rails un vrai processus de pourparlers israélo-palestinien, évoquant - horresco referens pour Netanyahou et la grande majorité de l'opinion israélienne - un nécessaire partage de Jérusalem ! Mis sous pression dès sa première rencontre à Washington avec le président américain - rencontre qualifiée de « franche et constructive », c'est-à-dire glaciale en langage diplomatique -, Netanyahou dut plier : le 14 juin 2009, soit quelques jours seulement après l'adresse d'Obama au monde musulman au Caire et en écho à celle-ci, il annonçait la perspective d'un État palestinien (démilitarisé) et le gel pour dix mois …