La difficile quête d'un leadership sunnite

n° 150 - Hiver 2016

C'est tout à la fois l'une des principales raisons et l'une des principales conséquences du chaos qui règne actuellement dans le monde arabe : aucun pays ne parvient à émerger comme puissance dominante et à imposer son leadership régional au camp arabe sunnite. Longtemps, l'Égypte assura cette fonction, jusqu'à ce qu'elle soit mise au ban du monde arabe après la signature d'une paix séparée avec Israël à la fin des années 1970. Puis l'Arabie saoudite, forte de ses pétrodollars, prit le relais, malgré les incartades de Saddam Hussein que sa victoire contre l'Iran conduisit au faux pas : l'invasion du Koweït en 1990. Dans la foulée des révolutions arabes de 2011, le Qatar prétendit un temps au rôle de « faiseur de rois » de la région. Mais le règne de ses protégés Frères musulmans fut vite balayé par l'armée égyptienne qui renversa le président islamiste Mohamed Morsi en 2013.
Aujourd'hui, les puissances arabes sunnites sont confrontées à trois menaces : l'Iran perse et chiite qui, grâce à son réseau d'alliances, est devenu la première puissance d'une région à laquelle il est pourtant étranger tant par la langue que par la religion ; la Turquie du président Recep Tayyip Erdogan, qui n'a pas renoncé à ses ambitions régionales, souvent qualifiées de néo-ottomanes, malgré les déconvenues subies en Égypte et en Syrie ; et l'émergence de l'État islamique (EI) qui met en péril l'existence même de régimes fragilisés par les révolutions de 2011 et la guerre civile en Syrie.


Les puissances montantes


Le « réveil » saoudien et ses limites
Depuis l'accession au trône du roi Salman, en janvier 2015, à la suite de la mort de son demi-frère Abdallah à l'âge de 90 ans, le royaume saoudien a changé de posture sinon de politique régionale. Traditionnellement prudente et peu désireuse d'apparaître au premier plan, la diplomatie saoudienne est devenue plus agressive et décomplexée. Parallèlement, Riyad s'est affranchi de son habituel alignement sur la politique étrangère américaine, perçue comme étant en contradiction avec les intérêts fondamentaux du royaume. Ce changement radical a des conséquences majeures et encore difficiles à évaluer. Il est le fruit d'une longue détérioration des relations avec les États-Unis, partenaire privilégié et défenseur traditionnel du royaume selon le pacte passé par le roi Ibn Saoud et le président Roosevelt en février 1945, qui assurait à l'Arabie saoudite la protection américaine en échange d'un pétrole bon marché. L'accumulation des malentendus et des désaccords de fond avec l'administration Obama - mais aussi avec son prédécesseur George W. Bush, qui a envahi l'Irak en 2003 contre l'avis saoudien - a débouché sur ce qu'il est convenu d'appeler le « réveil saoudien ». Riyad n'entend plus se laisser dicter sa politique par son allié américain et veut faire prévaloir ses propres impératifs de sécurité, à commencer par sa volonté d'endiguer l'expansionnisme de l'Iran.
Le point de désaccord le plus important entre Riyad et Washington porte sur la volonté de Barack Obama de renouer le dialogue avec la République islamique d'Iran, à l'égard …

Sommaire

Pour une Europe plus solidaire

Entretien avec Jean-Claude Juncker par Baudouin Bollaert

« Brexit » : le pari risqué de David Cameron

par Pauline Schnapper

Allemagne : le credo de la gauche radicale

Entretien avec Sahra Wagenknecht par Jean-Paul Picaper

Suède : une diplomatie décompléxée

Entretien avec Margot Wallström par Antoine Jacob

États-Unis : les vrais gagnants de la crise financière

Entretien avec Jacques de Larosiere par Jean-Pierre Robin

Erdogan, un allié encombrant

par Marc Semo

La voix des Kurdes

Entretien avec Selahattin Demirtas par Marie Jégo

La grande peur des Serbes de Bosnie

Entretien avec Milorad Dodik par Alexis Troude

Quand Benyamin Netanyahou pense le monde

par Frédéric Encel

Les deux guerres de l'Ukraine

Entretien avec Petro Porochenko par Isabelle Lasserre

En finir avec l'oligarchie ukrainienne

par Sébastien Gobert

Donbass : le Kremlin à la manoeuvre

par Régis Genté

Le meilleur ennemi de Vladimir Poutine

Entretien avec Sergueï Pougatchev par Isabelle Lasserre

Les risques d'une coalition avec la Russie

par Françoise Thom

Syrie : un « protectorat militaire » russe au Levant

par Igor Delanoë

Damas : l'heure de la recomposition

par Thomas Pierret

La difficile quête d'un leadership sunnite

par Christophe Ayad

État islamique : main basse sur le jihad

par Jean-Pierre Perrin

Dix idées reçues sur l'intervention en Libye

par Jean-Baptiste Jeangène Vilmer

Venezuela : la fin du chavisme ?

par Marie Delcas

Australie : les atouts du nouveau premier ministre

par Xavier Pons