C'est tout à la fois l'une des principales raisons et l'une des principales conséquences du chaos qui règne actuellement dans le monde arabe : aucun pays ne parvient à émerger comme puissance dominante et à imposer son leadership régional au camp arabe sunnite. Longtemps, l'Égypte assura cette fonction, jusqu'à ce qu'elle soit mise au ban du monde arabe après la signature d'une paix séparée avec Israël à la fin des années 1970. Puis l'Arabie saoudite, forte de ses pétrodollars, prit le relais, malgré les incartades de Saddam Hussein que sa victoire contre l'Iran conduisit au faux pas : l'invasion du Koweït en 1990. Dans la foulée des révolutions arabes de 2011, le Qatar prétendit un temps au rôle de « faiseur de rois » de la région. Mais le règne de ses protégés Frères musulmans fut vite balayé par l'armée égyptienne qui renversa le président islamiste Mohamed Morsi en 2013.
Aujourd'hui, les puissances arabes sunnites sont confrontées à trois menaces : l'Iran perse et chiite qui, grâce à son réseau d'alliances, est devenu la première puissance d'une région à laquelle il est pourtant étranger tant par la langue que par la religion ; la Turquie du président Recep Tayyip Erdogan, qui n'a pas renoncé à ses ambitions régionales, souvent qualifiées de néo-ottomanes, malgré les déconvenues subies en Égypte et en Syrie ; et l'émergence de l'État islamique (EI) qui met en péril l'existence même de régimes fragilisés par les révolutions de 2011 et la guerre civile en Syrie.
Les puissances montantes
Le « réveil » saoudien et ses limites
Depuis l'accession au trône du roi Salman, en janvier 2015, à la suite de la mort de son demi-frère Abdallah à l'âge de 90 ans, le royaume saoudien a changé de posture sinon de politique régionale. Traditionnellement prudente et peu désireuse d'apparaître au premier plan, la diplomatie saoudienne est devenue plus agressive et décomplexée. Parallèlement, Riyad s'est affranchi de son habituel alignement sur la politique étrangère américaine, perçue comme étant en contradiction avec les intérêts fondamentaux du royaume. Ce changement radical a des conséquences majeures et encore difficiles à évaluer. Il est le fruit d'une longue détérioration des relations avec les États-Unis, partenaire privilégié et défenseur traditionnel du royaume selon le pacte passé par le roi Ibn Saoud et le président Roosevelt en février 1945, qui assurait à l'Arabie saoudite la protection américaine en échange d'un pétrole bon marché. L'accumulation des malentendus et des désaccords de fond avec l'administration Obama - mais aussi avec son prédécesseur George W. Bush, qui a envahi l'Irak en 2003 contre l'avis saoudien - a débouché sur ce qu'il est convenu d'appeler le « réveil saoudien ». Riyad n'entend plus se laisser dicter sa politique par son allié américain et veut faire prévaloir ses propres impératifs de sécurité, à commencer par sa volonté d'endiguer l'expansionnisme de l'Iran.
Le point de désaccord le plus important entre Riyad et Washington porte sur la volonté de Barack Obama de renouer le dialogue avec la République islamique d'Iran, à l'égard …
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