Dix idées reçues sur l'intervention en Libye

n° 150 - Hiver 2016

La progression de Daech en Libye conduit à s'interroger sur la situation de ce pays et, tout particulièrement, sur les responsabilités de ceux qui sont à l'origine du chaos actuel - responsabilités souvent décrites de façon approximative.
Mis en difficulté en Irak et en Syrie, Daech se replie progressivement vers la Libye où, début janvier 2016, l'organisation terroriste s'est attaquée à l'arme lourde aux terminaux pétroliers et a commis à Zliten l'attentat le plus meurtrier depuis la chute de Kadhafi. Disposant de 3 000 à 5 000 combattants dans ce pays, répartis sur plusieurs zones - sans parvenir à établir une continuité territoriale, contrairement au Levant -, Daech démontre ainsi une capacité de projection et une volonté de prendre le croissant pétrolier, qui suscitent les plus grandes inquiétudes.
Depuis août 2014, l'organisation profite de la division de la Libye entre deux gouvernements rivaux : celui de Tobrouk, reconnu par la communauté internationale mais impuissant ; et celui, dit « islamiste », de Tripoli. Le dialogue mené sous l'égide des Nations unies et la menace de l'expansion rapide de Daech, ont permis de surmonter certaines fractures. L'accord de Skhirat, signé le 17 décembre 2015 après 14 mois de négociations, est une étape essentielle vers la mise en place d'un gouvernement d'union nationale. Il est également un moment clé dans le processus de reconstruction de la Libye. Ce processus reste toutefois fragilisé par les tentatives des durs de chaque camp, qui souhaitent le remettre en cause, et par l'ambiguïté persistante de certains parrains régionaux. Résultat : le Conseil présidentiel n'est pas opérationnel et il n'y a pas de front uni face à Daech.
En attendant, la situation est chaque jour plus alarmante. Le pays est fragmenté, aux prises avec des milices locales qui se disputent le contrôle du territoire et des trafics, et déchiré par des conflits locaux largement instrumentalisés par l'une ou l'autre partie. Daech s'étend et des dizaines de milliers de candidats à l'asile ou à l'immigration tentent de franchir clandestinement les frontières de l'Europe dans les conditions désastreuses que l'on connaît (trafic humain, morts en mer, etc.). D'où la conviction que, comme l'a dit le premier ministre français Manuel Valls, « la situation en Libye est le grand dossier des mois qui viennent ». L'hypothèse d'une intervention militaire internationale, à la demande du gouvernement libyen, est plus que jamais d'actualité.
Elle se heurte toutefois à un obstacle de taille : le précédent de 2011. De plus en plus de voix s'élèvent pour critiquer l'intervention militaire qui, il y a cinq ans, a contribué à la chute de Kadhafi et qui, aujourd'hui, cristallise l'ensemble des reproches adressés aux interventions militaires occidentales. On l'accuse d'avoir été conduite en violation du droit international et de s'être révélée un remède pire que le mal qui a causé les turbulences actuelles dans le pays et déstabilisé toute la région. Fréquente dans l'opinion française, omniprésente chez les BRICS, cette lecture de l'histoire pollue les relations de la France avec le reste du monde et sape …

Sommaire

Pour une Europe plus solidaire

Entretien avec Jean-Claude Juncker par Baudouin Bollaert

« Brexit » : le pari risqué de David Cameron

par Pauline Schnapper

Allemagne : le credo de la gauche radicale

Entretien avec Sahra Wagenknecht par Jean-Paul Picaper

Suède : une diplomatie décompléxée

Entretien avec Margot Wallström par Antoine Jacob

États-Unis : les vrais gagnants de la crise financière

Entretien avec Jacques de Larosiere par Jean-Pierre Robin

Erdogan, un allié encombrant

par Marc Semo

La voix des Kurdes

Entretien avec Selahattin Demirtas par Marie Jégo

La grande peur des Serbes de Bosnie

Entretien avec Milorad Dodik par Alexis Troude

Quand Benyamin Netanyahou pense le monde

par Frédéric Encel

Les deux guerres de l'Ukraine

Entretien avec Petro Porochenko par Isabelle Lasserre

En finir avec l'oligarchie ukrainienne

par Sébastien Gobert

Donbass : le Kremlin à la manoeuvre

par Régis Genté

Le meilleur ennemi de Vladimir Poutine

Entretien avec Sergueï Pougatchev par Isabelle Lasserre

Les risques d'une coalition avec la Russie

par Françoise Thom

Syrie : un « protectorat militaire » russe au Levant

par Igor Delanoë

Damas : l'heure de la recomposition

par Thomas Pierret

La difficile quête d'un leadership sunnite

par Christophe Ayad

État islamique : main basse sur le jihad

par Jean-Pierre Perrin

Dix idées reçues sur l'intervention en Libye

par Jean-Baptiste Jeangène Vilmer

Venezuela : la fin du chavisme ?

par Marie Delcas

Australie : les atouts du nouveau premier ministre

par Xavier Pons