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État islamique : main basse sur le jihad

Chaque numéro de Dabiq, le magazine en ligne (et en plusieurs langues) de l'État islamique, commence par la même citation : « L'étincelle a été allumée ici en Irak et - si Allah le veut - son feu va continuer à se répandre jusqu'à ce qu'elle brûle les armées de la Croix à Dabiq. » Dabiq est l'un des récits apocalyptiques les plus importants pour l'État islamique, à un tel point que l'organisation a donné ce nom à son organe de propagande. Ce terme fait référence à une prophétie présentée dans un hadith (témoignage qui relate les faits et paroles de Mahomet) et consacrée à l'« Ultime Bataille » qui aura lieu, à l'approche de la fin des temps, dans la petite ville syrienne de Dabiq, près d'Alep et de la frontière turque. Là, après un sérieux revers, l'armée des musulmans, progressant dans une mer de sang, finira par triompher des infidèles et par imposer l'islam sur Terre. Celui qui signe la citation est Abou Moussab al-Zarqaoui, le fondateur de ce qui deviendra l'État islamique, son modèle et héros absolu, l'équivalent d'Oussama ben Laden pour l'organisation rivale d'Al-Qaïda.


De quoi l'État islamique est-il le nom ?


Du fait de ses nombreuses références eschatologiques, on pourrait voir en l'État islamique un mouvement messianique comme l'histoire islamique en a tant connu. Mais la volonté de ses dirigeants de parier sur l'avenir en construisant un nouvel État à cheval sur l'Irak et la Syrie, dont les capitales sont Mossoul et Raqqa, contredit cette vision : l'EI estime que l'« Heure suprême » est proche mais, en même temps, il s'emploie à bâtir un califat destiné à durer ; son cri de ralliement : « Baqiya » (« Il restera »), répété par tous les jihadistes, traduit bien cette volonté de se maintenir quoi qu'il advienne. À cause notamment de cette contradiction, il n'est pas aisé de définir ce qu'est l'État islamique ; d'ailleurs, les experts se chamaillent sur ce point. Même les états-majors occidentaux ne sont toujours pas tombés d'accord pour définir la nature de leur ennemi. « Nous n'avons même pas compris le concept », reconnaissait en décembre 2014 le chef des opérations spéciales américaines, le général Michael Nagata, dans un document confidentiel cité par le New York Times. Aussi est-il plus facile de dire ce qu'il n'est pas.
Même s'il emploie toute la gamme des actes terroristes, l'EI n'est pas un simple mouvement terroriste. Au Moyen-Orient, les organisations terroristes ont toujours été sous la coupe d'un État ou d'un régime qui les protège et les stipendie - la Syrie, l'Irak, la Libye, le Soudan ou l'Iran, sans parler de l'URSS et d'autres pays de la défunte Europe de l'Est. Ce fut le cas des groupes d'Abou Nidal, d'Ahmed Jibril, de Carlos, de l'ASALA... et, plus récemment, de l' éphémère groupuscule palestinien Fatah al-Islam dont l'armée libanaise a eu tant de mal à venir à bout (1).
Même s'il incarne la revanche des sunnites irakiens dépossédés du pouvoir depuis la chute de …