Damas : l'heure de la recomposition

n° 150 - Hiver 2016

« La patrie appartient à ceux qui la défendent », déclare Bachar al-Assad en juillet 2015, justifiant ainsi la dépendance croissante de son régime vis-à-vis de l'Iran, et préparant probablement ses partisans à une intervention russe qui n'avait pas encore démarré. Le président syrien aurait pu tenir les mêmes propos s'agissant de la réalité du pouvoir à Damas. Autrefois concentrée entre les mains du clan présidentiel et de quelques barons des services de renseignement, cette réalité du pouvoir s'est diffusée, depuis 2011, dans deux directions opposées : vers le haut, au bénéfice des puissances étrangères auxquelles le régime doit sa survie ; et vers le bas, au bénéfice des chevilles ouvrières de l'effort de guerre loyaliste, officiers de terrain et milices supplétives. De ce point de vue, la centralité d'Assad dans le régime syrien dépend de moins en moins du pouvoir qu'il détient en propre et de plus en plus de son rôle de « point nodal » entre les différents échelons - syriens et étrangers - de l'alliance loyaliste. Comment en est-on arrivé là, et quelle évolution cette situation peut-elle connaître à court et moyen terme ?


Le pouvoir réel avant le soulèvement de 2011


Une affaire de famille
Jusqu'en 2011, le régime syrien présente à la fois les caractéristiques d'un système de parti unique - le Baas étant constitutionnellement doté du statut de « parti dirigeant de l'État et de la société » - et d'une dictature militaro-sécuritaire dans la mesure où ses figures les plus influentes appartiennent soit à l'armée, soit aux tout-puissants services de renseignement (mukhabarat). Il serait toutefois erroné d'imaginer que cette Syrie pré-révolutionnaire est dominée par des institutions, comme peut l'être, par exemple, l'Égypte de Hosni Moubarak, dont le pouvoir repose sur l'alliance de l'armée, de la police et du Parti national démocratique. En Syrie, la réalité du pouvoir appartient plutôt à un réseau de familles liées par le sang au clan présidentiel et par l'identité confessionnelle alaouite à la minorité religieuse qui forme la colonne vertébrale de l'armée et des services de renseignement. Dans ces organes, les coreligionnaires d'Assad, qui représentent environ 10 % de la population du pays, constituent plus de la moitié du corps des officiers et l'essentiel des hommes de rang dans certaines unités d'élite comme la Garde républicaine et la 4e Division blindée.
Le coeur du réseau des familles dirigeantes est, bien sûr, la famille Assad elle-même où, selon une règle non écrite, le frère du président commande les troupes de choc du régime : Rif'at al-Assad, frère de Hafez, exilé depuis la fin des années 1990, avait auparavant dirigé les Compagnies de défense. Transformées en 1984, après un coup de force manqué de leur chef, en 4e Division blindée, elles sont aujourd'hui placées sous l'autorité de Maher al-Assad, frère de Bachar. À noter que cette autorité s'exerce sans que Maher n'occupe formellement la tête de la 4e Division : comme l'ont remarqué de longue date les observateurs de l'armée syrienne, ce sont souvent les liens familiaux qui déterminent …

Sommaire

Pour une Europe plus solidaire

Entretien avec Jean-Claude Juncker par Baudouin Bollaert

« Brexit » : le pari risqué de David Cameron

par Pauline Schnapper

Allemagne : le credo de la gauche radicale

Entretien avec Sahra Wagenknecht par Jean-Paul Picaper

Suède : une diplomatie décompléxée

Entretien avec Margot Wallström par Antoine Jacob

États-Unis : les vrais gagnants de la crise financière

Entretien avec Jacques de Larosiere par Jean-Pierre Robin

Erdogan, un allié encombrant

par Marc Semo

La voix des Kurdes

Entretien avec Selahattin Demirtas par Marie Jégo

La grande peur des Serbes de Bosnie

Entretien avec Milorad Dodik par Alexis Troude

Quand Benyamin Netanyahou pense le monde

par Frédéric Encel

Les deux guerres de l'Ukraine

Entretien avec Petro Porochenko par Isabelle Lasserre

En finir avec l'oligarchie ukrainienne

par Sébastien Gobert

Donbass : le Kremlin à la manoeuvre

par Régis Genté

Le meilleur ennemi de Vladimir Poutine

Entretien avec Sergueï Pougatchev par Isabelle Lasserre

Les risques d'une coalition avec la Russie

par Françoise Thom

Syrie : un « protectorat militaire » russe au Levant

par Igor Delanoë

Damas : l'heure de la recomposition

par Thomas Pierret

La difficile quête d'un leadership sunnite

par Christophe Ayad

État islamique : main basse sur le jihad

par Jean-Pierre Perrin

Dix idées reçues sur l'intervention en Libye

par Jean-Baptiste Jeangène Vilmer

Venezuela : la fin du chavisme ?

par Marie Delcas

Australie : les atouts du nouveau premier ministre

par Xavier Pons