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Damas : l'heure de la recomposition

« La patrie appartient à ceux qui la défendent », déclare Bachar al-Assad en juillet 2015, justifiant ainsi la dépendance croissante de son régime vis-à-vis de l'Iran, et préparant probablement ses partisans à une intervention russe qui n'avait pas encore démarré. Le président syrien aurait pu tenir les mêmes propos s'agissant de la réalité du pouvoir à Damas. Autrefois concentrée entre les mains du clan présidentiel et de quelques barons des services de renseignement, cette réalité du pouvoir s'est diffusée, depuis 2011, dans deux directions opposées : vers le haut, au bénéfice des puissances étrangères auxquelles le régime doit sa survie ; et vers le bas, au bénéfice des chevilles ouvrières de l'effort de guerre loyaliste, officiers de terrain et milices supplétives. De ce point de vue, la centralité d'Assad dans le régime syrien dépend de moins en moins du pouvoir qu'il détient en propre et de plus en plus de son rôle de « point nodal » entre les différents échelons - syriens et étrangers - de l'alliance loyaliste. Comment en est-on arrivé là, et quelle évolution cette situation peut-elle connaître à court et moyen terme ?


Le pouvoir réel avant le soulèvement de 2011


Une affaire de famille
Jusqu'en 2011, le régime syrien présente à la fois les caractéristiques d'un système de parti unique - le Baas étant constitutionnellement doté du statut de « parti dirigeant de l'État et de la société » - et d'une dictature militaro-sécuritaire dans la mesure où ses figures les plus influentes appartiennent soit à l'armée, soit aux tout-puissants services de renseignement (mukhabarat). Il serait toutefois erroné d'imaginer que cette Syrie pré-révolutionnaire est dominée par des institutions, comme peut l'être, par exemple, l'Égypte de Hosni Moubarak, dont le pouvoir repose sur l'alliance de l'armée, de la police et du Parti national démocratique. En Syrie, la réalité du pouvoir appartient plutôt à un réseau de familles liées par le sang au clan présidentiel et par l'identité confessionnelle alaouite à la minorité religieuse qui forme la colonne vertébrale de l'armée et des services de renseignement. Dans ces organes, les coreligionnaires d'Assad, qui représentent environ 10 % de la population du pays, constituent plus de la moitié du corps des officiers et l'essentiel des hommes de rang dans certaines unités d'élite comme la Garde républicaine et la 4e Division blindée.
Le coeur du réseau des familles dirigeantes est, bien sûr, la famille Assad elle-même où, selon une règle non écrite, le frère du président commande les troupes de choc du régime : Rif'at al-Assad, frère de Hafez, exilé depuis la fin des années 1990, avait auparavant dirigé les Compagnies de défense. Transformées en 1984, après un coup de force manqué de leur chef, en 4e Division blindée, elles sont aujourd'hui placées sous l'autorité de Maher al-Assad, frère de Bachar. À noter que cette autorité s'exerce sans que Maher n'occupe formellement la tête de la 4e Division : comme l'ont remarqué de longue date les observateurs de l'armée syrienne, ce sont souvent les liens familiaux qui déterminent …