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Syrie : un « protectorat militaire » russe au Levant

L'engagement militaire de la Russie aux côtés du régime de Bachar al-Assad, qui a démarré à la fin du mois de septembre 2015, constitue, à bien des égards, un tournant majeur dans la crise syrienne. Au plan stratégique, la projection de ses forces aériennes sur ce théâtre lointain consacre le désenclavement de la Russie post-1991 au-delà de l'espace post-soviétique et contribue à l'extension de son périmètre d'action vers le Moyen-Orient. Au plan militaire, la campagne en Syrie a démontré que le complexe militaro-industriel russe (VPK) (1) a effectué un véritable saut qualitatif en matière de modernisation des équipements employés sur mer, sur terre et dans les airs. Au plan diplomatique, enfin, son intervention permet à Moscou d'acquérir une marge de manoeuvre supplémentaire vis-à-vis des Occidentaux en s'érigeant en partenaire indispensable pour résoudre le conflit en Syrie. Cette marge de manoeuvre pourrait être mise à profit par le Kremlin dans la refondation de ses relations avec la communauté euro-atlantique.


Aux sources de l'engagement militaire russe en Syrie


Le rapport de forces avec la communauté euro-atlantique
Au cours de l'année 2015, suite à la signature des accords de « Minsk 2 » en février, le Kremlin a cherché à stabiliser le « front ukrainien » et à éviter une plus grande dégradation de ses relations avec la communauté euro-atlantique. Ces accords, dont les termes sont plutôt favorables à la Russie, ont conduit Moscou à se satisfaire du fragile statu quo qui règne depuis dans le Donbass (2).
Si en Ukraine les intérêts stratégiques occidentaux et russes se sont opposés, la crise syrienne offre en revanche des possibilités de coopération entre les deux parties : l'accord sur le démantèlement de l'arsenal chimique de Damas est venu le démontrer en septembre 2013 (3). La lutte contre le terrorisme international et contre la prolifération des armes de destruction massive (4), ainsi que la recherche d'une solution politique durable au conflit syrien constituent, en effet, des points de convergence entre Russes et Occidentaux. Mais bien que leurs objectifs soient relativement similaires sur le fond, leurs approches divergent sur la méthode et sur les acteurs locaux qu'il convient d'aider. Pour dire les choses simplement, depuis le début du soulèvement syrien en 2011, Moscou ne jure que par l'appui au gouvernement central de Damas tandis que les Occidentaux soutiennent l'opposition au régime de Bachar.
Dans ce contexte, pourquoi le Kremlin a-t-il attendu la fin de l'été 2015 pour se porter directement au secours de son allié, à qui il se contentait jusque-là de fournir une assistance technique et militaire ? Il est certain que l'accord sur le programme nucléaire iranien signé à Lausanne le 14 juillet 2015 a pesé dans la décision : dès lors que ce document était paraphé, une potentielle entente américano-iranienne sur la Syrie, qui aurait laissé Moscou hors jeu, n'était plus à exclure. Un scénario inacceptable aux yeux de la Russie, bien décidée à profiter du « pivot vers l'Asie » enclenché depuis la fin des années 2000 par l'administration Obama pour accroître son …