Les Grands de ce monde s'expriment dans

Les risques d'une coalition avec la Russie

« Lorsque notre démocratie cosmopolite, portant ses derniers fruits, aura fait de la guerre une chose odieuse à des populations entières (...), les écluses du Nord se lèveront de nouveau sur nous ; alors nous subirons une dernière invasion non plus de barbares ignorants, mais de maîtres rusés, éclairés, plus éclairés que nous, car ils auront appris de nos propres excès comment on peut et on doit nous gouverner. »
Astolphe de Custine (1)


« Hitler, because in his own joyless mind he feels it with exceptional strength, knows that human beings don't only want comfort, safety, short working-hours, hygiene, birth-control and, in general, common sense ; they also, at least intermittently, want struggle and self-sacrifice, not to mention drums, flags and loyalty-parades. However they may be as economic theories, Fascism and Nazism are psychologically far sounder than any hedonistic conception of life. »
George Orwell (2)


Vladimir Poutine prend la décision d'intervenir en Syrie à l'été 2015. Vers la même époque, la partie russe se montre, pour la première fois, désireuse de contribuer réellement à une désescalade du conflit ukrainien. Rétrospectivement, il est clair que le Kremlin s'apprête alors à infléchir sa politique étrangère. Avant d'essayer de tracer les contours de cette politique nouvelle et d'en définir les objectifs, il convient d'analyser les facteurs convergents qui ont entraîné ce retournement.


La crise économique


Une dégradation antérieure à la crise ukrainienne
Depuis quelques années, l'économie russe connaît une évolution préoccupante. Le fait que la Russie n'ait pas adopté les mesures adéquates face à la crise de 2008-2009 n'y est sans doute pas étranger. Que pouvait-on attendre, en effet, d'un « paquet de relance » qui, en réalité, a surtout servi à soutenir les oligarques et des entreprises publiques déjà peu productives ? D'autant que le gouvernement a principalement répandu ses largesses sur celles de ces entreprises qui étaient les plus mal gérées. Circonstance aggravante, l'économie a été subordonnée aux ambitions impériales de Poutine et à sa passion pour les projets de prestige (3). En 2011, un vaste programme de réarmement a été lancé : 23 trillions de roubles (plus de 700 milliards de dollars) ont été alloués à la modernisation de l'armée russe d'ici à 2020 (4).
Ces extravagances commencent à peser alors que l'économie s'essouffle : la croissance se met à stagner avant même la chute des prix du pétrole (en 2012, les pétrodollars constituent encore la moitié des revenus de la Russie). La crise rampante s'explique par le refus des entrepreneurs russes d'investir dans le développement de leurs compagnies. Depuis son arrivée au pouvoir, Poutine a bloqué la formation du tissu institutionnel qui permet l'épanouissement d'une économie privée : pas de justice indépendante garantissant le droit de propriété ; pas de prévisibilité de la politique gouvernementale (5) ; dans les régions, pas de contre-poids aux appétits prédateurs du pouvoir fédéral. Les chiffres sont éloquents. La croissance, déjà réduite à 3,4 % en 2012 (après 4,3 % en 2011), a calé en 2013, n'atteignant cette année-là que 1,4 % …