Changement de cap en Argentine : après douze ans de péronisme de gauche, le libéral Mauricio Macri a été investi président le 10 décembre 2015. Le nouveau chef de l'État, âgé aujourd'hui de 57 ans, est un dirigeant au parcours atypique. Fils d'un grand industriel italo-argentin, il a d'abord géré les entreprises familiales avant de tracer sa propre voie. Il s'est fait un prénom en présidant avec succès, de 1995 à 2007, l'un deux plus grands clubs de football locaux, Boca Juniors. Un tel poste représente un tremplin stratégique vers la politique dans ce pays fou de ballon rond : en 2003, M. Macri fonde un parti, le PRO (Propuesta Republicana), qui rassemble des politiciens mais aussi d'anciens dirigeants d'entreprise et d'ONG. En 2007, il est élu maire de Buenos Aires. Huit ans plus tard, après deux mandats, il décide de briguer la magistrature suprême. Longtemps donné perdant dans les sondages face à son adversaire péroniste Daniel Scioli, il crée une grande surprise en s'imposant au second tour avec 51 % des suffrages.
Le voilà investi d'une lourde tâche : réformer un pays rongé par la corruption, dont la croissance stagne et où l'inflation atteint près de 30 % par an. Déjà, les réformes s'enchaînent, avec un clair virage libéral, même si Mauricio Macri n'aime pas les étiquettes politiques et préfère se dire « pragmatique ». Nous nous réjouissons que M. Macri ait choisi Politique Internationale pour livrer ses premières réactions et ses premières analyses.
A.P.
Alice Pouyat - Monsieur le Président, commençons par une photo qui a fait beaucoup rire et parler en Argentine : celle de votre chien dans le fauteuil présidentiel. Quel message souhaitiez-vous faire passer sur la fonction de président ?
Mauricio Macri - Il s'agissait de mettre fin à une véritable saga ! Balcarce est un chien que nous avons adopté et qui nous a accompagnés pendant toute la campagne. Finalement, Balcarce est arrivé rue Balcarce, qui est l'adresse du palais présidentiel... Au-delà de l'anecdote, je pense sincèrement qu'il faut s'éloigner du cérémonial qui entoure trop souvent la fonction présidentielle et rendre cette fonction plus concrète, plus humaine, plus empathique.
A. P. - Mais cette désacralisation n'est-elle pas contraire à la tradition argentine ?
M. M. - Il est vrai que l'Argentine a un régime présidentiel et que le Parlement y a moins de poids qu'ailleurs. Il est vrai, aussi, que Cristina Kirchner a incarné à l'extrême cette personnalisation de la politique... Pour ce qui me concerne, je crois au travail d'équipe. J'essaie de soutenir et de stimuler les gens qui m'accompagnent. Je souhaite, aussi, renforcer l'équilibre entre les trois pouvoirs (exécutif, législatif et judiciaire), et je veux que la presse, les organisations sociales et le secteur privé jouent tous un rôle important. Ma vision, c'est que le président doit asseoir son leadership sur le consensus. Je suis absolument opposé à ce que le chef de l'État impose arbitrairement ses décisions au pays.
A. P. - Vous êtes le fils de l'un des plus grands industriels du pays. Est-ce pour cette raison que vous ressentez le besoin d'insister particulièrement sur le fait que vous êtes une personne simple, proche des électeurs ?
M. M. - Ce n'était pas vraiment le but de la photo de Balcarce ! Je pense avoir démontré tout au long de ma vie que je me comportais en toutes circonstances avec simplicité. Que ce soit en tant que président du club de football de Boca Juniors ou en tant que maire de Buenos Aires, j'ai essayé de montrer que la fonction ne fait pas la personne. Je n'ai pas besoin d'adopter de « postures ». Je suis quelqu'un d'authentique.
A. P. - Il y a un an, bon nombre d'observateurs affirmaient qu'il vous serait difficile d'être élu face au puissant mouvement péroniste. Les sondages vous ont longtemps donné perdant contre Daniel Scioli. Comment êtes-vous parvenu à inverser la situation ?
M. M. - « Bon nombre d'observateurs », dites-vous... C'est encore en dessous de la réalité ! En vérité, tout le monde ou presque pensait que je n'avais aucune chance d'être élu. C'est pourquoi mon équipe et moi-même pouvons aujourd'hui dire à bon droit : « Nous avons rendu possible l'impossible. » L'explication de ma victoire, c'est que, au cours de la campagne, les Argentins se sont mis à croire en eux-mêmes. Ils ont senti qu'ils méritaient mieux que ce qu'on leur annonçait comme inéluctable. Ils ont parié sur le changement, et ce changement est arrivé. D'où …
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