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Burundi : le spectre du génocide

Un drame bien plus grave qu'une crise électorale - fléau récurrent sur le continent africain - s'est noué au Burundi lors de la présidentielle de juillet 2015. Le scrutin a été remporté par un président sortant auquel la Constitution interdisait pourtant de se représenter, manifestement prêt à tout pour conserver le pouvoir.
Dans ce petit pays enclavé de 10,7 millions d'habitants situé dans la région troublée des Grands Lacs se joue non pas un énième conflit ethnique, mais bien l'avenir de la démocratie africaine. Secouée depuis son indépendance en 1962 par des rivalités inter-ethniques, l'ancienne colonie belge a basculé dans la guerre civile à maintes reprises : en 1972, en 1988 puis en 1993, après l'assassinat de Melchior Ndadaye. Premier président hutu démocratiquement élu, il est tué par une armée que contrôle alors la minorité tutsie (14 % de la population, pour 85 % de Hutus, la même proportion qu'au Rwanda voisin (1)). Le Burundi, dont les deux tiers de la population ont moins de 25 ans, a ensuite tourné la page, après douze années d'une guerre civile qui a fait plus de 200 000 morts (2). Et cela, bien que la Commission vérité et réconciliation (CVR) chargée de faire la lumière sur les massacres perpétrés depuis l'indépendance n'ait jamais vraiment commencé ses travaux (3).
Les Burundais espéraient que leurs dirigeants respecteraient les règles posées en 2000 par les accords d'Arusha (4), censés les remettre sur les rails de la démocratie. Mais le président sortant Pierre Nkurunziza, 52 ans, ancien chef rebelle hutu, a balayé dix ans de paix en un tournemain, n'hésitant pas à rallumer le feu de la haine et à invoquer les fantômes du passé pour justifier son maintien à la tête de l'État.
L'escalade
Lorsqu'il officialise sa candidature, c'est l'émeute. Dans tout le pays, le 25 avril 2015, la population descend manifester sa colère dans la rue. Le Burundi attendait mieux de cet ancien professeur de gymnastique élu président à la suite des accords d'Arusha (5). L'homme, dont le père a été victime des massacres inter-ethniques de 1972, est connu au sein de l'élite pour imputer en privé tous ses malheurs à la minorité tutsie. Comme tous les Burundais qui ont perdu des parents dans les guerres successives, il est traumatisé (6). Mais il ne fait pas partie de ces personnalités prêtes à faire table rase du passé pour le bien commun. Poussé par sa foi, il est aussi membre d'une Église évangélique dont sa femme a été ordonnée pasteur en 2011.
Son obstination à rester au pouvoir provoque plus que des remous dans son propre parti, le Conseil national de défense de la démocratie-Forces de défense de la démocratie (CNDD-FDD). De nombreux caciques opposés au troisième mandat en ont claqué la porte en 2015, comme le président de l'Assemblée nationale, le président du Sénat, le ministre de la Communication et l'un des vice-présidents de la République, suivis par 130 autres « frondeurs ».
La campagne « Halte au troisième mandat », déjà active, se lève …