Chine : la fin de la politique de l'enfant unique

Alors que les médias chinois et internationaux (1) saluaient avec enthousiasme la levée de la politique de l'enfant unique en Chine, certains démographes se demandent si ce changement d'orientation n'est pas déjà trop tardif. D'autres regrettent que les structures de contrôle du planning familial restent inchangées. Quant aux jeunes parents, ils se tâtent : ont-ils vraiment envie d'un second enfant dans la Chine du XXIe siècle ?
Le changement a été annoncé lors du dernier Congrès annuel du Parti communiste chinois en octobre 2015. La déclaration a été très courte, et sans la moindre précision. « Tous les couples seront dorénavant autorisés à avoir deux enfants. » Cette annonce faisait indirectement allusion aux décisions prises les années précédentes qui avaient progressivement adouci l'interdiction d'avoir un second enfant (2).
Au grand dam des citoyens chinois, la proclamation du changement de politique n'a été accompagnée d'aucune excuse de la part des autorités. Pas un regret pour les souffrances imposées à la population qui, trente-cinq ans durant, a dû se soumettre aux diktats des contrôleurs du planning familial... Pas de réponse, non plus, sur les questions laissées en suspens et qui sont pourtant nombreuses. Celles-ci, par exemple : les enfants « au noir » qui n'ont jamais été enregistrés par les services de l'état civil parce qu'ils étaient nés « hors plan » - c'est-à-dire que leurs parents avaient déjà un enfant au moment de leur naissance -, et qui n'ont pu ni accéder à une scolarité normale ni entrer dans la vie professionnelle seront-ils régularisés ? Les femmes forcées à la stérilisation alors qu'elles auraient souhaité un second enfant recevront-elles une compensation ? Les parents âgés dont l'enfant unique est mort de maladie ou accidentellement auront-ils droit à une espèce de « minimum vieillesse » puisqu'ils ont perdu leur seul soutien familial ? Les auteurs des violences perpétrées à l'égard des femmes lorsqu'elles étaient enceintes « hors plan » seront-ils enfin punis ?
Genèse de la politique de l'enfant unique
Mais revenons un instant aux faits et aux chiffres. Pourquoi les dirigeants chinois ont-ils éprouvé le besoin de contrôler si brutalement leur croissance démographique à partir de 1979 ? Était-ce réellement nécessaire ? En 1953, lors du premier recensement effectué après l'accession au pouvoir de Mao Zedong et de son gouvernement communiste, la population de la Chine (en incluant Taiwan) était estimée à environ 590 millions de personnes. À cette époque, les autorités encourageaient vivement la natalité. Le président Mao, impressionné par le bombardement de Hiroshima et de Nagasaki, répétait que l'« impérialiste américain » lâcherait sûrement un jour une ou deux bombes atomiques sur le territoire chinois et qu'il fallait donc d'ores et déjà fabriquer la relève pour repeupler le pays après le feu nucléaire.
Il n'y eut pourtant pas besoin d'une guerre pour que 30 à 40 millions de Chinois meurent de faim entre 1959 et 1961, durant les pires années du « Grand bond en avant » et de la pénurie alimentaire provoquée par les lubies du totalitarisme maoïste …