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Faut-il en finir avec Sykes-Picot ?

Retour sur le péché originel

L'accord Sykes-Picot figure en bonne place dans tous les livres d'Histoire. Il symbolise la partition du monde arabe et sa mise sous tutelle par les Franco-Britanniques au début du XXe siècle. Dès l'origine, il a été violemment dénoncé et décrit comme un acte de « trahison » ourdi par les puissances occidentales contre l'unité arabe. Mais de quoi s'agit-il précisément ?
L'accord Sykes-Picot est un accord secret, signé en plein milieu de la Première Guerre mondiale, après plusieurs mois de négociation, le 16 mai 1916. Baptisé du nom de ses négociateurs - le Britannique sir Mark Sykes et le Français François-Georges Picot -, il précise les modalités de partage des provinces arabes de l'Empire ottoman entre la France et la Grande-Bretagne.
Selon cet accord, la France se réserve les territoires arabes comprenant l'actuel Liban et la côte syrienne jusqu'à l'Anatolie, tandis que la Grande-Bretagne s'octroie l'actuel Irak, le Koweït et les ports d'Acre et de Haïfa en Palestine.
Or les deux Alliés avaient pris, en 1915, des engagements à l'égard des Arabes afin de les rallier à leur cause contre la Sublime Porte entrée en guerre aux côtés de l'Allemagne et de l'Autriche-Hongrie. Par l'intermédiaire du haut-commissaire britannique en Égypte, sir Henry McMahon, ils avaient persuadé le chérif Hussein de soulever les Arabes contre le sultan-calife ottoman Abdülhamid II qui avait appelé tous les musulmans au jihad. En échange, ils s'engageaient à faciliter « la création d'un État arabe ou d'une confédération d'États arabes » sous l'autorité du chérif Hussein, porte-parole des Arabes depuis la conférence de Damas en 1915 et chef de file des Hachémites, descendants du prophète Mahomet.
Conformément à cet engagement, le chérif Hussein déclenche la révolte arabe en juin 1916 et confie le commandement des troupes à son fils Fayçal qui parvient à prendre le contrôle d'une grande partie de l'Arabie puis de la Syrie. Le chérif Hussein est proclamé roi du Hedjaz fin 1916 et son fils Fayçal, roi de Syrie en 1920 puis roi d'Irak en 1921. À la fin de la Grande Guerre, les Arabes font partie des vainqueurs et Fayçal est admis comme leur unique représentant pour négocier les conditions de paix.
Or, entre-temps, l'accord Sykes-Picot avait été modifié, en grand secret, par Lloyd George et Clemenceau après l'armistice de Moudros (octobre 1918). La France cédait à la Grande-Bretagne la province de Mossoul et la Palestine en contrepartie d'un contrôle direct sur l'ensemble de la Syrie et d'un accès à la Turkish Petroleum.
La conférence de San Remo (19-26 avril 1920) n'a fait que confirmer et préciser l'accord secret de 1916 modifié en 1918. Elle confiait à la Grande-Bretagne trois « mandats » sur la Palestine, la Transjordanie et l'Irak, tandis que la France recevait un « mandat » sur la Syrie et le Liban.
Par ailleurs, le ministre des Affaires étrangères britannique, sir Arthur Balfour, avait promis, par une lettre datée du 2 novembre 1917, de soutenir l'établissement d'un foyer national juif en Palestine, désormais sous …