Omniprésent sur la scène médiatique, le jeune député Luigi Di Maio (30 ans) ne souhaite pourtant pas qu'on le présente comme le « joker » de Beppe Grillo, le fondateur du « Mouvement 5 Étoiles » (M5S), encore moins comme son éminence grise. Et pourtant !
Il n'avait que 27 ans lorsqu'il a été élu vice-président de la Chambre des députés dans la foulée du succès électoral du M5S - une formation populiste et antisystème qui fit une percée spectaculaire aux législatives de février 2013 en raflant 25 % des voix. En deux ans et demi, Luigi Di Maio a su tracer son chemin avec diplomatie et efficacité, et construire une image d'homme politique sérieux et compétent, régulièrement invité dans les capitales européennes à commenter les vicissitudes de la politique italienne. Le 23 mars dernier, il rencontrait les ambassadeurs des 28 pays de l'Union européenne en poste à Rome pour leur détailler le programme de son Mouvement. Pressé de questions, il a répondu avec aplomb sur tous les sujets, de la lutte contre le terrorisme à la politique migratoire, en passant par la corruption et le « revenu de citoyenneté » que le M5S promet d'introduire en Italie. S'il devenait premier ministre, a-t-il affirmé, il proposerait d'instaurer deux euros différents, « l'un pour les pays d'Europe du Nord et l'autre pour ceux de la zone méditerranéenne », suscitant la perplexité de ses interlocuteurs...
Luigi Di Maio s'exprime avec élégance, et ses talents d'orateur sont rarement pris en défaut. Ces dernières semaines, on le voit sur tous les fronts. Il soutient notamment la candidature à la mairie de Rome de Virginia Raggi, une avocate de 38 ans qui caracole en tête des sondages, devançant largement le représentant du parti de Matteo Renzi : si elle était élue premier magistrat de la Ville éternelle le 12 juin prochain, le M5S de Luigi Di Maio remporterait là une victoire éclatante sur les forces politiques traditionnelles.
R. H.
Richard Heuzé - Vous aurez 30 ans en juillet prochain et votre carrière est déjà bien remplie : candidat à la municipalité de Pomigliano d'Arco, votre ville natale, en 2010, vous êtes élu député trois ans plus tard, en février 2013, sous l'étiquette du « Mouvement 5 Étoiles » (M5S) de Beppe Grillo (1) et propulsé dans la foulée au poste de vice-président de la Chambre des députés. Pourriez-vous retracer brièvement les étapes de ce parcours fulgurant ?
Luigi Di Maio - Ce parcours fulgurant se confond avec celui du Mouvement 5 Étoiles. Vous l'avez rappelé : je viens de Pomigliano d'Arco, une ville de 40 000 habitants dans la province de Naples réputée pour deux choses : son usine Fiat et ses déchets industriels. Elle a été le plus grand pôle industriel du sud de l'Italie. À une époque, 10 000 personnes travaillaient chez Fiat. Il n'y en a plus que 4 500 aujourd'hui. Cette ville se trouve au centre du « triangle de la mort », la tristement célèbre « Terra dei fuochi » (2). Très tôt, j'ai côtoyé le monde de l'industrie, de la politique et des syndicats. Je suis entré au lycée au début des années 2000. J'ai été élu deux fois délégué de classe, trois fois délégué d'établissement et deux fois représentant au niveau provincial. Cette expérience a été un moment important de ma formation.
R. H. - Y a-t-il eu un événement qui vous a poussé à vous engager en politique ?
L. D. M. - Le 31 octobre 2002, trente enfants ont été tués dans l'effondrement d'une école primaire lors d'un séisme à San Giuliano, dans les Pouilles. Cet épisode dramatique a profondément frappé un monde enseignant confronté à la vétusté des bâtiments scolaires dans le Mezzogiorno. Mon école était dans ce cas. J'ai alors pris la tête d'un mouvement lycéen qui s'est constitué pour demander la construction d'un nouvel établissement et j'ai participé à la pose de la première pierre de la nouvelle école. Puis je suis parti faire des études de droit à l'université Federico II de Naples, l'université laïque la plus ancienne d'Italie. J'ai été élu président du Conseil des étudiants. C'est en 2007 que j'ai croisé la route du Mouvement 5 Étoiles. Le 8 septembre 2007, j'ai participé à son « V-Day » (Vaffanculo Day) pour obtenir un « Parlement propre » (3). Nous avions trois revendications : empêcher tout parlementaire condamné par la justice de siéger dans une assemblée ; introduire le système des préférences dans la loi électorale ; et limiter le nombre de mandats parlementaires à deux. Notre pétition a recueilli 350 000 signatures au plan national.
R. H. - Le M5S naît officiellement le 4 octobre 2009 (4). En faites-vous tout de suite partie ?
L. D. M. - Oui. J'ai aussitôt constitué la première liste du M5S qui s'est présentée à Pomigliano, où vit toute ma famille. Mon père est géomètre, et a appartenu au MSI néo-fasciste. Ma mère est professeur de latin-grec.
R. …
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