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Le grand retour de l'Iran

La République islamique d'Iran envoie des signaux contradictoires avec, d'un côté, la signature de l'accord du 14 juillet 2015 par lequel Téhéran s'engage à renoncer à ses programmes nucléaires à finalités militaires et, de l'autre, un engagement croissant de ses forces en Irak et en Syrie, doublé d'une escalade verbale à l'encontre de l'Arabie saoudite.
Voulu par Washington, l'accord nucléaire permet à Téhéran de se poser en puissance réaliste et responsable, représentée par deux hommes clés : le très affable président de la République Hassan Rohani et son habile ministre des Affaires étrangères Mohammed Javad Zarif, figures désormais familières des réunions internationales. A contrario, le soutien politique et militaire inconditionnel au régime du président Bachar al-Assad à Damas, en coordination avec Moscou, la mobilisation de milices chiites radicalisées, la persistance de vitupérations anti-impérialistes, la relance de la fatwa contre Salman Rushdie, maintiennent l'image d'un Iran infréquentable : les pasdarans (Gardiens de la révolution) et plus particulièrement leur Force d'intervention extérieure (Al-Qods), commandée par l'omniprésent général Ghassem Soleimani, incarnent cette dimension déstabilisatrice, voire subversive.
Depuis toujours, la République islamique a joué sur tous les registres d'action possibles d'une puissance contestée, dans un environnement moyen-oriental instable et conflictuel. Malgré son importance, l'accord nucléaire ne doit donc pas être surestimé. Même s'il alimente entre Téhéran et Riyad une guerre froide qui se déploie dans l'ensemble du Moyen-Orient, il est, en réalité, déconnecté de l'implication grandissante de l'Iran dans les conflits régionaux et de son rapprochement stratégique avec la Russie.

Quelle crédibilité pour l'accord sur le nucléaire du 14 juillet 2015 ?

Dissuasion et puissance : quelques logiques du programme nucléaire
La « crise du nucléaire iranien » ouverte en 2002 a revivifié les tensions avec les États-Unis, renvoyé Téhéran à son isolement international et soumis le pays à des sanctions d'une sévérité croissante. Au-delà de la « menace nucléaire iranienne » dénoncée par nombre de géopoliticiens occidentaux (1) et instrumentalisée par certains politiques, il n'est pas inutile de prendre un peu de recul sur ce dossier ancien. Les programmes lancés par le shah d'Iran dans les années 1950 avec l'aide des Occidentaux concernaient le nucléaire civil, mais recélaient déjà des potentialités militaires. L'Iran, membre de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), a ensuite signé et ratifié le traité de non-prolifération (TNP) de 1970, puis son protocole additionnel en 2003. Au lendemain de la révolution, Téhéran a déclaré qu'il abandonnait tout projet de nucléaire militaire, considéré comme « contraire à l'islam » par le Guide suprême Khomeyni. Cette position a été ultérieurement et secrètement révisée dans une logique de « néo-nationalisme nucléaire ». Des enseignements doctrinaux avaient été tirés de la guerre d'agression lancée en 1980 par Saddam Hussein - lequel n'avait pas hésité à utiliser des armes chimiques et à tirer des missiles sur les grandes villes iraniennes. De même, la République islamique n'ignorait pas qu'un certain nombre d'États, certes non signataires du TNP, et par conséquent non soumis aux contrôles onusiens, avaient accédé au statut nucléaire avec l'assentiment des cinq grandes puissances …