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Terrorisme : que peut faire l'Europe ?

Le « Monsieur anti-terrorisme » de Bruxelles est un juriste belge de 59 ans, diplômé de l'Université catholique de Louvain et de Yale Law School. Fonctionnaire européen, il a travaillé tant à la Commission (concurrence) qu'au Conseil (justice et affaires intérieures) où il a joué un rôle important dans la création d'Eurojust (l'unité de coopération judiciaire de l'UE) et dans la mise en place du mandat d'arrêt européen. Il a également contribué à l'élaboration de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.
Le poste de coordinateur de l'Union européenne pour la lutte contre le terrorisme, d'abord occupé par le Néerlandais Gijs de Vries, a été créé en 2004 après les attentats de Madrid. Les attentats de Paris de 2015 et l'influence grandissante de Daech auprès des jeunes Européens (d'origine arabe ou non) rendent la fonction encore plus nécessaire : il s'agit de faciliter l'interaction entre les différents services compétents des États européens, d'assurer une meilleure prévention contre la radicalisation et d'anticiper les décisions à prendre pour éradiquer le terrorisme. Le voeu le plus cher de Gilles de Kerchove ? Que sa fonction, un jour, « devienne sans objet ». Une perspective qui n'est pas pour demain...
B. B.

Baudouin Bollaert - Les attentats de Bruxelles du 22 mars, après ceux de Paris, le 13 novembre 2015, ont de nouveau soulevé de nombreuses interrogations sur la capacité des 28 pays membres de l'Union européenne à mettre en place des mécanismes communs de lutte contre le terrorisme. Que répondez-vous ?
Gilles de Kerchove - Il est évidemment trop tôt pour identifier ce qui n'a pas permis aux responsables belges de la sécurité de prévenir les odieux attentats du 22 mars. Il est donc prématuré de conclure à une faiblesse de la coopération entre services de renseignement ou services de police. Cela étant dit, les ministres de l'Intérieur se sont immédiatement réunis et ont réaffirmé leur volonté d'accélérer et d'amplifier les mesures qu'ils avaient décidées en novembre 2015 et que le Conseil européen avait confirmées en décembre : alimentation systématique des plates-formes européennes - le Système d'information Schengen II (1), Europol (2) ou Eurojust (3) ; contrôles systématiques aux frontières extérieures ; interopérabilité entre les bases de données pertinentes ; anticipation de la mise en oeuvre de la directive PNR (4) ; rôle central d'Europol dans le support aux enquêtes nationales mais aussi dans la conduite d'enquêtes à l'échelle européenne ; et adoption dans les meilleurs délais d'une série de projets de législation en cours de négociation avec le Parlement européen. Les ministres ont également réitéré leur volonté d'approfondir leurs travaux dans le domaine de la prévention de la radicalisation.
J'ajoute que notre cadre de référence remonte au 12 février 2015, après les attentats contre Charlie Hebdo et l'Hyper Cacher. Le Conseil européen avait alors décidé d'intensifier la lutte anti-terroriste dans trois domaines : le volet préventif, le volet répressif et le volet extérieur. Nous avons avancé dans ces trois directions où des progrès importants ont été accomplis.
B. B. - Lesquels ?
G. de K. - La plupart des projets reposent sur des propositions de législation de la Commission européenne : l'imposition d'un contrôle de sécurité systématique pour les Européens qui franchissent la frontière extérieure de Schengen - ce qui suppose que l'on modifie le « code Schengen » (5) ; l'harmonisation du droit pénal des États membres en ce qui concerne le crime consistant à partir à l'étranger pour y combattre au nom du djihad ; la lutte contre la réactivation d'armes de guerre et le financement du terrorisme ; la transformation de Frontex (6) en agence plus opérationnelle ; le renforcement d'Europol, etc.
B. B. - Mais encore ?
G. de K. - La Commission a mis sur pied un forum technologique avec les grandes firmes de l'Internet afin de pouvoir retirer du web davantage de contenus illégaux et de développer des « contre-narratifs ». Elle travaille aussi sur la prévention de la radicalisation dans le cadre de la politique de la jeunesse, du sport, de la culture et de l'emploi. Sur le plan extérieur, nous nouons des partenariats de sécurité avec les pays du pourtour de la Méditerranée : c'est chose faite avec la Tunisie, les discussions …