Un nouveau leader pour la Palestine?

n° 152 - Été 2016

Politique Internationale - Douze ans après sa mort en France, en novembre 2004, que reste-t-il de l'héritage de Yasser Arafat ?
Mohammed Dahlan - Rien et tout à la fois. Si nous parlons de la vision et de l'esprit militant du leader disparu, il ne reste que ses portraits accrochés aux murs des bureaux officiels. Tout le reste a été occulté : l'unité palestinienne, l'esprit du mouvement Fatah, sa fierté et sa détermination à lutter contre l'occupation. En tant que peuple et en tant que cause, nous avons été sacrifiés sur l'autel d'un objectif unique : celui des négociations pour les négociations. L'individuel prime désormais sur le collectif. Les camps de réfugiés ont été abandonnés ; les instances de décision ont été amputées de leur souveraineté ; la bande de Gaza a été volontairement délaissée ; et, à l'opposé de la modestie qu'affichait Arafat dans sa vie publique et privée, nous assistons à un étalage de luxe qui nous ferait presque oublier que notre peuple vit grâce aux dons du monde arabe. Le plus étonnant face à ce déni de démocratie, c'est le mutisme de la communauté internationale. Cette même communauté internationale qui ne perdait pas une occasion de relever la moindre incartade d'Arafat. On ne peut manquer de s'interroger sur les ressorts de cette indignation sélective...
Si, en revanche, vous voulez parler de la place d'Arafat dans le coeur des Palestiniens, sachez qu'il y est plus présent que jamais. Plusieurs années après sa mort, il jouit d'un consensus national total, y compris au sein des organisations Hamas et Djihad islamique. Le secret de cette popularité éternelle, c'est que durant toute sa vie Arafat a fait prévaloir les intérêts collectifs sur les égoïsmes individuels. Sa conduite, son humilité, sa bonté envers les plus démunis ont fait de lui un saint auprès de son peuple. Les circonstances objectivement mystérieuses de son décès n'ont fait qu'ajouter à sa dimension de grand martyr de la cause palestinienne.
P. I. - Vous avez été très proche de Yasser Arafat avant de vous éloigner du Fatah. Pourquoi avez-vous démissionné de l'Autorité palestinienne ?
M. D. - À l'époque du leader disparu, je n'ai jamais manqué à mes devoirs, ne serait-ce qu'une journée. J'étais le négociateur préféré d'Arafat sur toutes les questions relatives à la sécurité nationale. Nous formions une équipe soudée. Il nous arrivait parfois d'être en désaccord avec lui, mais jamais en accord contre lui ! La Palestine, Arafat, l'OLP, le Fatah : c'était notre vie et c'étaient les différentes facettes d'une même identité. Arafat était totalement absorbé, de la tête aux pieds, par la question nationale, jusque sur son lit d'hôpital à Paris.
Après la disparition du leader, je n'ai pas failli une seconde et j'ai pesé de toutes mes forces pour faire élire Mahmoud Abbas, bien que je fusse persuadé que personne ne pourrait remplacer Arafat et qu'il fallait mettre en place des institutions démocratiques solides. C'est d'ailleurs l'engagement qu'Abbas avait pris lorsqu'il présidait le gouvernement par intérim du vivant d'Arafat. Mais, …