En 2013, les révélations d'Edward Snowden (1) ont placé l'Agence nationale de sécurité américaine, la NSA (2), sous le feu récurrent des projecteurs. Une publicité dont l'administration Obama et sa puissante agence de renseignement auraient volontiers fait l'économie. Trois ans plus tard, les médias se font l'écho, en avril 2016, d'un nouveau scandale. Ils dénoncent la corruption et les abus de la finance offshore, où se sont engouffrés maints milliardaires ou célébrités du monde entier. Cette affaire, les « Panama Papers » (3), est hissée au hit-parade du journalisme d'investigation. À quelques exceptions près, il est peu fait mention de personnalités américaines. La majorité des pays pointés du doigt (Russie, Chine, Pakistan, Argentine) sont classés parmi les ennemis des États-Unis et les fraudeurs sont, pour la plupart, déjà dans le collimateur de la justice. Cette anomalie pourrait laisser supposer une implication des services de renseignement américains qui ont largement les moyens techniques de pirater les systèmes informatiques de la société Mossack Fonseca. Le lanceur d'alerte américain Bradley Birkenfeld (4) estime que la source des onze millions de documents volés n'est pas un individu, mais qu'ils proviennent d'un piratage de la firme panaméenne par la CIA (5). De là à soupçonner aussi la NSA...
En attendant, l'agence peut espionner en toute sérénité, l'attention des médias s'étant détournée d'elle - du moins pour quelque temps. Seuls les défenseurs de la vie privée, des libertés individuelles et de la libre expression continuent à protester contre la collecte indiscriminée et systématique des données personnelles. Faut-il réellement diaboliser la NSA et, à travers elle, le renseignement technique ? Au nom de la sécurité nationale, l'agence exerce des activités légitimes mais, lorsqu'elle se livre à une surveillance de masse, il est clair qu'elle outrepasse ses attributions.
Renseignement technique et sécurité nationale
Nécessaire pour assurer la sécurité nationale des États-Unis et accessoirement celle de leurs alliés, le renseignement technique investit clandestinement le champ économique et financier depuis plus d'une trentaine d'années, débordant ainsi ses missions de base qui consistent à privilégier les cibles militaires, politiques et diplomatiques.
Traquer l'ennemi et s'en protéger
Le renseignement d'ordre militaire, pleins pouvoirs pour la NSA
Depuis la pose de la première ligne américaine de télégraphe électrique à grande distance lors de la guerre de Sécession, le renseignement électromagnétique d'essence militaire a évolué au rythme des progrès technologiques - avec un coup d'accélérateur durant la Seconde Guerre mondiale et la guerre froide. En 1943, l'accord BRUSA concrétise la collaboration entre les États-Unis et la Grande-Bretagne en matière d'« intelligence ». Il est élargi en 1947 avec l'intégration du Canada, de l'Australie et de la Nouvelle-Zélande (accord UKUSA) (6). Durant une quarantaine d'années, le renseignement des transmissions (Signals Intelligence ou SigInt) supplée en partie aux carences du renseignement humain, compliqué à déployer en Union soviétique. Les besoins sont avant tout d'ordre opérationnel et tactique : repérer et surveiller les forces capacitaires ennemies, les bases de lancement de missiles et de bombardiers soviétiques, les usines d'armement, les sites nucléaires, les chantiers navals militaires et …
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