« - Vous rappelez-vous Érostrate ?
Il voulait devenir illustre et il n'a rien trouvé de mieux que d'incendier le temple d'Éphèse, une des Sept Merveilles du monde.
- Et comment s'appelait l'architecte de ce temple ?
- Je ne me rappelle plus, je crois même qu'on ne sait pas son nom.
- Vraiment ? Et vous vous rappelez le nom d'Érostrate ?
Vous voyez qu'il n'avait pas fait un si mauvais calcul. »
Jean-Paul Sartre, Le Mur, 1939
« Une grave menace pour la sécurité régionale et la paix internationale »
Et de cinq ! Le 10 septembre dernier, à 9h30 du matin - 2h30 du matin, heure de Paris -, la Corée du Nord procédait à son cinquième essai nucléaire en dix ans. Plus puissant que les quatre précédents, plus sophistiqué aussi puisqu'il s'agirait d'une bombe à hydrogène et que Pyongyang se targue désormais de parvenir à standardiser ses ogives, il n'a pourtant pas fasciné l'opinion, focalisée sur la rentrée des classes, la menace terroriste ou les campagnes présidentielles américaine et française. L'effet série a également dû jouer : après Camping III en juin, Jason Bourne IV en juillet, « Pyongyang V » avait comme un goût de déjà-vu. Il n'en demeure pas moins que la menace nord-coréenne s'amplifie. D'un rythme triennal - juillet 2006, mai 2009, février 2013 et janvier 2016 -, on est passé à deux essais par an... et l'année 2016 n'est pas achevée. Qui plus est, le régime a considérablement accru ses capacités balistiques en testant une vingtaine de missiles depuis janvier et en prouvant, début septembre, qu'il était capable d'en tirer depuis un sous-marin. Mais à force de crier Au loup !, le « Grand Soleil du XXIe siècle » (c'est ainsi qu'on désigne Kim Jong-un en Corée du Nord) ne fait plus aussi peur qu'avant.
Professionnels mais désabusés, les médias spécialisés ont d'ailleurs souligné que cette nouvelle provocation avait choqué la communauté internationale et donnerait certainement lieu à un renforcement des sanctions... mais que, au bout du compte, Kim Jong-un continuerait probablement à n'en faire qu'à sa tête. Qu'importe, en effet, que Barack Obama stigmatise une « grave menace pour la sécurité régionale et la paix internationale », que Sergueï Lavrov, le ministre russe des Affaires étrangères, s'inquiète de cet « aventurisme dangereux » ou que Park Geun-hye, la présidente de la Corée du Sud, dénonce l'« inconscience maniaque » de son collègue du Nord ? À quoi sert que l'ONU annonce le vote d'une énième résolution, plus ferme que toutes les précédentes (1), si tant est que ce soit possible, puisque visiblement Pyongyang n'en a cure ? À la suite de l'essai du 6 janvier, le blocus s'est encore resserré. Les matières premières - charbon, fer, or ou terres rares, cruciales pour nos portables -, que la Corée du Nord parvenait encore à exporter vers ses derniers partenaires, les dictatures africaines notamment, via la Chine, ses intermédiaires à Macao ou ses réseaux de contrebande, sont désormais placées sous embargo explicite. Il est désormais prohibé de lui vendre des produits de luxe (2) ou même du carburant, sauf s'il est démontré que ce serait à usage purement civil. En juillet, les principaux dirigeants du régime, y compris Kim Jong-un, ainsi que huit agences gouvernementales ont été placés sur liste noire, ce qui implique qu'ils n'ont plus accès aux actifs financiers qu'ils détiennent à l'étranger. En outre, depuis février, le Sud s'est retiré de la zone économique spéciale de Kaeseong, à la …
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