Au début du mois de juin 2013, le monde entier découvrait, stupéfait, les confessions d'un ancien employé de la NSA, l'agence d'interceptions des États-Unis, au Washington Post et au Guardian. Edward Snowden, réfugié dans une chambre d'hôtel de Hong Kong, a dénoncé dans un premier temps l'ampleur de la surveillance dont les citoyens américains étaient l'objet de la part de son ancien employeur, avant de révéler l'existence d'un vaste système de contrôle de l'Internet mondial appelé « Prism ». Ses déclarations, fondées sur des documents officiels et classifiés, ont aussitôt été reprises par la presse internationale et publiées en feuilleton au fil des mois. Comme soumis à un supplice chinois, le gouvernement de Barack Obama a vu des pans entiers de son activité de surveillance et d'espionnage économique exposés au grand jour, preuves à l'appui. Jamais rien d'aussi embarrassant pour Washington vis-à-vis de ses alliés et partenaires - pour ne rien dire de ses adversaires - n'avait été porté sur la place publique. Cette « crise Snowden » a mis en lumière le rôle majeur des médias globaux de l'Internet et fortement entamé la confiance à l'égard des États-Unis. Mais plus que d'une crise, sans doute faudrait-il parler d'un « moment Snowden » (1) qui a ébranlé l'un des fondements du système international : le secret (2).
Lénine et Wilson, un éclair de publicité internationale sans lendemain
Sur la scène internationale, le secret est pourtant aussi ancien que l'apparition de la diplomatie moderne à la fin du XVe siècle (3). Lors du congrès de Vienne (1814-1815), l'Europe fut redessinée pour un siècle par les puissances victorieuses de la France. Trois cents délégations représentant cinq cents diplomates prirent part aux discussions et, bien que le principe de confidentialité ait été clairement réitéré par écrit au début des négociations, de nombreux éléments des échanges furent rendus publics.
Mais c'est la Première Guerre mondiale qui enfanta la première grande revendication de transparence diplomatique. Lénine et Wilson, chacun avec un agenda politique différent, l'invoquèrent afin de mener une diplomatie de rupture. Peu après la révolution, en décembre 1917, le jeune pouvoir bolchevique édita, sous forme de recueils, les accords secrets conclus avant la guerre entre la Russie tsariste et les puissances européennes. Sept volumes parurent en l'espace de trois mois. Ainsi pouvait-il tout à la fois montrer le caractère impérialiste de la guerre, se démarquer des usages capitalistes et rechercher l'adhésion du prolétariat international. Le scandale fut retentissant dans toute l'Europe. Un an plus tard, la « vieille diplomatie » des nations européennes fut soumise à un second traumatisme : le 8 janvier 1919, dans une adresse au Congrès, le président des États-Unis Woodrow Wilson plaçait les « quatorze points » de son programme de négociation de la paix en Europe sous le signe de la « new diplomacy ». Celle-ci était d'emblée caractérisée par une revendication sans ambiguïté d'« openness ». De fait, les signataires du pacte instituant la Société des Nations, en juin 1919, s'engageaient à « entretenir au grand jour des …
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