Dans un contexte international marqué par le ralentissement du commerce mondial et la montée en puissance des services au détriment de l'industrie, le modèle de croissance économique chinois arrive à saturation : surendettement, surcapacité industrielle, compétitivité et démographie déclinantes, accélération des sorties de capitaux... Conséquence : les autorités de Pékin doivent opérer un changement de stratégie géoéconomique. La nouvelle vision stratégique impulsée par Xi Jinping, esquissée une première fois en septembre 2013 lors d'un déplacement officiel à Astana (Kazakhstan), puis présentée officiellement lors du treizième sommet de l'Organisation de coopération de Shanghai à Bichkek (Kirghizistan) cette même année, s'inscrit dans une triple ambition de rééquilibrage : rééquilibrage des niveaux de développement des régions ; rééquilibrage des facteurs de croissance économique ; et, enfin, rééquilibrage des influences géopolitiques régionales.
L'un des éléments fondamentaux de cette nouvelle approche est la mise en place du projet « One Belt, One Road » (OBOR). Si l'échéance finale de ce projet est planifiée pour 2025 par les autorités chinoises, ses ramifications et la diversité des initiatives qu'il recouvre lui confèrent cependant un caractère aléatoire dont témoigne l'absence de cadre prévisionnel rigide. D'ampleur financière et géographique exceptionnelle, ce programme vise à (r)ouvrir des routes commerciales terrestres et maritimes reliant Shanghai à Venise via le continent euro-asiatique ; et cela, afin de créer de nouvelles opportunités de marchés grâce au désenclavement des territoires traversés. Ses motivations sont de trois ordres : économique, dans la mesure où il offrira de nouveaux débouchés aux industries nationales ; politique, puisqu'il favorisera un réaménagement du territoire chinois tout en améliorant l'image internationale du pays ; et géopolitique, car il sécurisera les approvisionnements de la Chine en ressources naturelles et augmentera l'influence de Pékin sur les pays concernés.
« Le Grand Jeu » est de retour ! La rivalité avec Washington va sans doute s'intensifier, ne serait-ce que parce que OBOR accroîtra la capacité maritime marchande et militaire de la flotte chinoise et représentera un contrepoids au partenariat trans-Pacifique (TPP) signé début 2016 entre les États-Unis et onze pays côtiers de l'océan Pacifique (un accord qui, de fait, isole la Chine au sein de la zone régionale asiatique) (1). Un rapprochement de Pékin avec Moscou, Ankara et Téhéran est également à prévoir. Le Japon et la Corée apparaissent, à première vue, comme les principaux perdants de cette percée stratégique chinoise ; quant à l'Inde et à l'UE, elles brillent pour l'instant par leur discrétion sur le sujet.
L'ampleur d'OBOR impressionne : 64 pays sont directement concernés par ses travaux. Ceux-ci recouvrent toute la zone Eurasie et prévoient, en particulier, la construction de trois corridors économiques terrestres destinés à favoriser le commerce et le développement économique par des investissements d'infrastructures (transports ferroviaires, voies routières, ports maritimes...) majeurs : Chine-Pakistan ; Chine-Mongolie-Russie ; et Chine-Asie centrale-Asie occidentale. Parallèlement, la mise en oeuvre d'OBOR implique la création d'une « Route de la soie maritime du XXIe siècle » qui traversera l'océan Indien, la mer Rouge, le golfe Persique, le canal de Suez et la mer …
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