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Autriche : neuf mois, trois tours et un vainqueur


Jamais une élection présidentielle n'a autant traîné en longueur, suscité tant d'appréhensions et réservé tant de surprises. La langue allemande ayant le génie des mots composés par agglutination, on a donné à ce processus électoral interminable le nom tout aussi démesuré (et comique) de Bundespräsidentenstichwahlwiederholungsverschiebung (« report de la répétition du second tour de l'élection du président fédéral »). Finalement, le « troisième tour » du 4 décembre 2016 a fait taire les cassandres qui prédisaient qu'après le Brexit, après le sacre de Donald Trump et en même temps que la débâcle de Matteo Renzi, viendrait l'élection du candidat national-populiste Norbert Hofer en Autriche - série noire censée annoncer un second tour indécis entre François Fillon et Marine Le Pen. Finalement, l'Autriche nous a confirmé que le pire n'est pas toujours sûr. Mais le triomphe du parti national-populiste pourrait bien n'avoir été qu'ajourné...

Un feuilleton électoral riche en rebondissements

Commençons par la fin : alors que la rumeur médiatique annonçait, cette fois encore, la victoire de Norbert Hofer, candidat du parti populiste d'extrême droite FPÖ (Freiheitliche Partei Österreichs ; traduction littérale : Parti de la liberté d'Autriche), variante autrichienne du mouvement qui déferle ces dernières années dans la plupart des pays européens, c'est son adversaire, Alexander Van der Bellen, qui a été brillamment élu. Soutenu par les Verts dont il fut le porte-parole de 1998 à 2007, mais aussi par les trois partis éliminés au premier tour (conservateurs de l'ÖVP, Parti populaire autrichien ; centristes libéraux du NEOS, La Nouvelle Autriche ; sociaux-démocrates du SPÖ), M. Van der Bellen a obtenu à l'issue du scrutin du 4 décembre 2016 et du dépouillement des votes par correspondance 53,79 % des voix (soit 2,47 millions d'électeurs), tandis que 2,12 millions des suffrages (46,21 %) se portaient sur Norbert Hofer. La participation a atteint 74,2 %.
Alors que sa défaite à quelques milliers de voix près semblait inévitable, Alexander Van der Bellen est donc l'un des présidents fédéraux les plus confortablement élus de l'histoire de la Deuxième République d'Autriche. En 2004, son prédécesseur Heinz Fischer (SPÖ), considéré comme un président exemplaire, avait obtenu 52,39 % des voix.
Lors du premier tour de l'élection présidentielle, le 24 avril 2016, Alexander Van der Bellen était arrivé deuxième, avec 21,34 % des voix, derrière Norbert Hofer (35,05 %) et devant Irmgard Griss (NEOS, 18,94 %), Rudolf Hundstorfer (SPÖ, 11,28 %) et Andreas Khol (ÖVP, 11,12 %) ; le taux de participation à ce premier tour avait été de 68,5 %.
Au deuxième tour du 22 mai 2016 (taux de participation : 72,65 %), on a cru pendant quelques heures, avant le dépouillement des votes par correspondance, que Norbert Hofer allait l'emporter par 51,93 % des voix contre 48,07 % pour Alexander Van der Bellen, ce qui correspondait à une différence de 144 006 bulletins en faveur de M. Hofer. Puis les votes par correspondance avaient retourné la situation : M. Van der Bellen l'emportait finalement d'une courte tête avec 50,35 % des suffrages (30 863).
Toujours …