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Biélorussie : la fin d'une exception ?

La signature, en février 2015, des accords de Minsk destinés à résoudre la crise ukrainienne a attiré l'attention de la communauté internationale sur la Biélorussie. En accueillant dans sa capitale ces pourparlers qui réunirent Petro Porochenko, Vladimir Poutine, François Hollande et Angela Merkel, la « dernière dictature d'Europe » apparaissait soudain comme un facilitateur de paix permettant la reprise du dialogue entre les Ukrainiens, les Russes et les Occidentaux.
La Biélorussie n'en demeure pas moins le régime le plus fermé du Vieux Continent. L'inamovible et très autoritaire président Alexandre Loukachenko dirige depuis plus de 22 ans le seul État européen à appliquer la peine de mort, raison pour laquelle il ne fait pas partie du Conseil de l'Europe. La Biélorussie est également l'unique pays de la région à conserver une économie dirigiste largement dominée par les entreprises étatiques (1).
Pour surmonter son isolement et bénéficier d'un soutien économique extérieur, Minsk s'appuie sur une relation privilégiée avec Moscou. Mais plusieurs évolutions récentes semblent devoir remettre en cause les spécificités du système biélorusse : aux difficultés socio-économiques internes s'ajoute la montée des tensions russo-occidentales qui incite la Biélorussie à manoeuvrer entre Moscou et Bruxelles afin d'éviter de se retrouver au premier rang de la confrontation. En effet, s'aligner sur les positions du Kremlin en cette période conduirait à un isolement accru d'un pays déjà fragilisé, au renforcement des sanctions occidentales et par voie de conséquence à la remise en cause du principal atout de la Biélorussie : son rôle d'intermédiaire économique entre la Russie et l'Union européenne. Il en résulterait nécessairement une satellisation définitive du pays par Moscou.
La situation actuelle de la Biélorussie pourrait se résumer ainsi : un pays coincé entre la Russie et l'UE qui tire une partie de ses revenus de sa fonction de territoire de transit ; une société tiraillée entre sa proximité culturelle avec la Russie et ses velléités de rapprochement avec l'Europe ; un président « pro-russe » tenté de tendre la main à l'UE au risque de s'attirer les foudres du Kremlin. Cette description aurait très bien pu être celle de l'Ukraine de Viktor Ianoukovitch quelques mois avant son renversement. Alors que la crise ukrainienne n'est toujours pas résolue, la Biélorussie, dernière alliée inconditionnelle de la Russie en Europe orientale, sera-t-elle le prochain terrain d'affrontement entre Moscou et les Occidentaux ?

Les fondements de l'alliance russo-biélorusse

Pour Moscou, l'importance stratégique de la Biélorussie réside dans plusieurs facteurs. D'une part, la frontière entre les deux pays étant située à seulement 400 kilomètres de la capitale russe, le Kremlin envisage le territoire biélorusse comme le prolongement de son propre espace stratégique. Cette proximité explique que Vladimir Poutine juge inacceptable un éventuel rapprochement de son voisin avec les structures euro-atlantiques : à ses yeux, la Biélorussie fait figure d'avant-poste face à l'Otan.
D'autre part, la Biélorussie présente le grand avantage, du point de vue de Moscou, d'empêcher la formation d'un « cordon sanitaire » anti-russe à ses frontières immédiates : sur l'isthme mer Baltique-mer Noire, le territoire …