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Colombie : le repos des guerriers


Les Colombiens pourront-ils enfin vivre en paix ? Le 26 septembre dernier, après des années de négociations, le gouvernement colombien et la guérilla des Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC) scellaient des accords de paix définitifs. Ces accords devaient mettre fin au plus vieux conflit armé d'Amérique latine et à sa litanie d'atrocités : 220 000 morts, 60 000 disparus, 27 000 séquestrés, près de 2 000 massacres et 7 millions de personnes déplacées. « Enfin la paix », entendait-on un peu partout. Enfin... presque, car c'était compter sans le résultat surprise du référendum du 2 octobre, dont tout le monde pensait qu'il se conclurait par une large victoire du oui. À la surprise générale, le non l'emporta d'une courte tête, plongeant le pays dans une période d'incertitude. Récompensé pour ses efforts par le prix Nobel de la paix cinq jours à peine après le rejet du texte, le président Santos décide alors de négocier un nouvel accord avec les partisans du non. Non sans difficultés, mais en un temps record (moins de deux mois), une nouvelle version est signée puis ratifiée par le Parlement. Certes, le plus dur reste à faire. Il n'empêche : après trente ans de tentatives avortées (1), ces accords revêtent une portée véritablement historique.

Un conflit vieux de cinquante ans

Issues des mouvements d'autodéfense paysans qui s'étaient formés lors de la guerre civile (Violencia) entre 1948 et 1957, les FARC apparaissent officiellement en 1964 après l'attaque par l'armée colombienne de l'un de leurs fiefs (Marquetalia) dans les montagnes du centre du pays. Au lendemain de la révolution cubaine en 1959, les élites colombiennes, soutenues par les États-Unis dans leur lutte contre le communisme, voient d'un très mauvais oeil l'existence de ces « républiques indépendantes ». L'attaque de Marquetalia donne toutefois naissance au mythe fondateur des FARC. Ni simple mouvement de résistance ni avant-garde révolutionnaire, les FARC ne vont réellement commencer à être prises au sérieux qu'à partir des années 1980, lorsque leurs troupes passent de quelque 1 500 à plus de 10 000 hommes, principalement grâce aux revenus de la drogue, et qu'elles étendent leur influence sur une bonne partie du territoire national. Au cours de la décennie suivante, elles réussissent à infliger de sérieux revers aux forces armées gouvernementales, au point que certains experts n'hésitent pas à qualifier la Colombie d'État failli.
Sous prétexte de lutter contre le trafic de drogue, les États-Unis et la Colombie échafaudent alors un plan de lutte antiguérilla baptisé « Plan Colombie », inspiré des programmes mis en oeuvre par Washington en Amérique centrale dans les années 1980. Composé à 70 % d'aide militaire et à 30 % d'aide économique et sociale, il vise à renforcer les forces armées colombiennes tout en réduisant le soutien populaire dont bénéficient les guérillas. Le Plan Colombie ne produit cependant pas tous les effets escomptés. Au même moment, les FARC, qui viennent d'entamer des pourparlers de paix avec le gouvernement du président Andrés Pastrana fraîchement élu et qui ont posé comme condition préalable …