Les Grands de ce monde s'expriment dans

La guerre est finie...

Frédéric Massé - Monsieur le Président, quand avez-vous décidé de tendre la main aux FARC et d'entamer des négociations de paix ?
Juan Manuel Santos - Mon engagement en faveur de la paix remonte à de très nombreuses années. Dès les années 1990, alors que je ne faisais partie d'aucun gouvernement, j'ai organisé une table ronde sur l'avenir de la Colombie à laquelle j'ai convié des personnalités venues de tous horizons. De là sont nées une conviction et une initiative. La conviction, c'est que la paix était la seule perspective possible. L'initiative, elle, a consisté à amorcer un rapprochement, à partir de la société civile, avec tous les acteurs du conflit armé afin de mettre un terme aux hostilités et de permettre la réconciliation. Cette initiative n'a pas été couronnée de succès, mais il était clair pour moi qu'il fallait persévérer dans cette voie et réunir les conditions qui rendraient possible un futur règlement.
F. M. - Quelles étaient ces conditions ?
J. M. S. - Première condition : l'équilibre des forces sur le terrain devait être favorable à l'État. Deuxièmement, il fallait que les mouvements rebelles prennent conscience du fait que la violence ne les conduirait jamais au pouvoir. Et, troisièmement, les pays voisins devaient soutenir résolument les négociations.
J'ai combattu la violence avec la plus grande fermeté. C'est sous mon autorité, en tant que ministre de la Défense et en tant que président, que les FARC ont reçu les coups les plus rudes. Mais j'ai toujours fait la guerre en pensant que la paix était la solution. Dès le premier jour de mon mandat, j'ai affirmé que la porte de la paix n'était pas verrouillée. Le gouvernement précédent avait tenté de nouer des contacts avec les FARC. J'ai donc décidé d'intensifier ces efforts et d'explorer à fond la carte de la négociation. Les discussions exploratoires ont finalement débouché sur un ordre du jour clair et précis. La phase publique de négociation a alors commencé. Elle s'est achevée quatre ans plus tard avec la signature de l'accord de paix.
F. M. - Quel a été l'obstacle le plus important auquel s'est heurtée votre équipe de négociateurs ?
J. M. S. - La Colombie n'a pas connu une seule journée de paix pendant des décennies. Pour un homme politique, il est beaucoup plus facile de faire la guerre, d'attiser les antagonismes sociaux et de susciter la peur que d'essayer de changer les choses, de rechercher la paix et d'en finir avec la violence.
J'ai su, dès le départ, que ce processus serait complexe et jalonné de difficultés. J'ai compris que de nombreux Colombiens étaient réticents à l'idée de négocier avec l'ennemi. Mais ma responsabilité de président était de leur montrer que le moment était venu de tourner la page et de les convaincre qu'on n'arrête pas une guerre en ne discutant qu'avec ses amis.
En ce qui concerne la négociation elle-même, il est clair que la clé de la réussite réside dans une préparation adéquate. J'ai formé une équipe de …