Ministre de la Défense depuis 2014, Michael Fallon est désormais chargé d'accompagner, dans ce domaine essentiel, le divorce entre l'UE et le Royaume-Uni. Celui-ci est, en effet, avec la France, la principale puissance militaire du continent. À en croire le ministre britannique, qui tente d'aplanir les divergences et d'apaiser les inquiétudes, le Brexit ne modifiera pas les engagements de son pays en tant que membre de l'Otan et garant de la sécurité européenne. La preuve : depuis le référendum de juin 2016, la Grande-Bretagne a renforcé sa présence militaire en Estonie sur le front est de l'Alliance ; elle a également promis d'augmenter le budget de la défense, d'acquérir de nouveaux équipements et de moderniser sa dissuasion nucléaire. Cette vision idéale ne risque-t-elle pas, toutefois, d'être malmenée par la réalité ?
Nous nous réjouissons que M. Fallon, qui accorde peu d'interviews à la presse étrangère, ait choisi Politique Internationale pour livrer, à chaud, ses premiers commentaires sur l'avenir des relations entre Paris, Londres et l'Union européenne.
I. L.
Isabelle Lasserre - Au moment où le Royaume-Uni s'apprête à quitter l'Union européenne, quel bilan tirez-vous de ces quarante et quelques années de cohabitation ? Quelles sont les réalisations de l'UE que vous appréciez le plus ? Quelles sont celles qui vous hérissent ?
Michael Fallon - La Grande-Bretagne en a, bien sûr, retiré des avantages. D'abord, l'Union nous a permis d'accéder à un grand marché unique, elle a facilité et simplifié les relations commerciales. Ensuite, elle nous a fourni l'occasion de jouer un rôle accru dans la sécurité du continent : coopération entre les forces de police, entre les agences de renseignement, entre les institutions judiciaires. Ce sont les deux grands effets positifs que je mettrais en avant. Mais il y avait beaucoup d'inconvénients, le premier d'entre eux étant l'arrivée de nombreux migrants sur le sol européen - tellement nombreux que nous en avons perdu le contrôle. Pour résumer le malaise en une phrase, disons qu'il était de plus en plus difficile de concilier le droit européen avec notre souveraineté.
Le temps est venu de forger entre l'Europe et nous une nouvelle relation. Cela ne veut pas dire que nous renonçons à notre appartenance européenne. Nous voulons continuer à commercer librement et amicalement avec le continent et poursuivre nos coopérations bilatérales en matière de sécurité et de défense. Nous déployons, par exemple, 800 militaires britanniques aux côtés de 300 Français en Estonie dans le cadre du nouveau bataillon multinational de l'Otan...
I. L. - Que pensez-vous du processus de sortie de l'Union engagé par la Grande-Bretagne ? S'il était possible de revenir en arrière, conseilleriez-vous au gouvernement d'agir de la même manière ?
M. F. - Le référendum sur le Brexit était inévitable. La demande émanait de la population, il fallait donc y répondre. Nous n'avions pas le choix. Les fondamentaux de l'Union européenne n'avaient pas été révisés depuis 1975... Aujourd'hui, c'est fait. Il ne sert à rien de regretter. Il ne faut jamais regarder en arrière mais toujours se projeter vers l'avenir.
I. L. - Le Brexit peut-il entraîner un effet domino en Europe ? Et si oui, quels sont selon vous les États qui sont les plus sensibles aux sirènes anti-européennes ?
M. F. - Non, je ne crois pas que le Brexit puisse avoir un tel effet d'entraînement. En tout cas, j'en serais très surpris. Et, surtout, ce n'est pas ce que nous voulons. Notre voeu le plus cher est que l'Union européenne se consolide et qu'elle réussisse. Nous ne souhaitons ni son échec, ni sa dislocation, ni sa disparition : les dégâts seraient considérables pour la Grande-Bretagne car un tel scénario remettrait en cause la cohésion du marché unique, de même que les coopérations en matière de sécurité.
I. L. - Aviez-vous anticipé le Brexit ?
M. F. - Absolument pas. Ce fut une énorme surprise. Mais je ne suis pas le seul à ne pas avoir vu les choses venir...
I. L. - Qu'est-ce que le Brexit va changer pour la sécurité de l'Europe …
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