L'intervention militaire de Moscou dans le conflit syrien en septembre 2015, aux côtés de Téhéran, a favorisé la naissance d'une alliance de circonstance entre la Russie et l'Iran. Mises à mal sous la mandature de Dmitri Medvedev (2008-2012), les relations des deux pays connaissent depuis le retour de Vladimir Poutine au Kremlin en 2012 une dynamique positive à laquelle la signature de l'accord de Lausanne de juillet 2015 - qui prévoit la levée progressive des sanctions internationales pesant sur l'Iran en échange d'un gel provisoire de son programme nucléaire - a ouvert de nouvelles perspectives. Au demeurant, Moscou et Téhéran ont plus à gagner à entretenir une coopération approfondie - si imparfaite qu'elle puisse être - qu'à entrer dans une compétition qui servirait les intérêts de l'Occident. Mais les modalités du règlement de la crise syrienne, la diplomatie multivectorielle déployée par la Russie au Moyen-Orient et les enjeux énergétiques pourraient faire ressortir le manque de profondeur des rapports irano-russes. D'ailleurs, les limites du rapprochement pragmatique auquel a donné lieu l'affaire syrienne sont déjà perceptibles.
Des fondements de la relation russo-iranienne
Des liens tourmentés
En 2011, Evgueni Primakov - ministre russe des Affaires étrangères entre 1996 et 1998, premier ministre en 1998-1999 et éminent spécialiste du Moyen-Orient - soulignait que la politique de la Russie à l'égard de l'Iran, de la période impériale à nos jours, avait essentiellement reposé sur des considérations d'ordre géopolitique (1). De fait, jusqu'au début des années 2010, le Kremlin appréhende ses relations avec la République islamique à l'aune de celles qu'il entretient avec l'Occident - en particulier avec les États-Unis. D'autre part, il cherche à assurer la supériorité de son influence sur celle de Téhéran dans le Caucase et en Asie centrale, plus particulièrement au Tadjikistan, pays où la langue tadjike est proche du farsi et où vit une minorité persane (2). De leur côté, les Iraniens conservent une méfiance atavique vis-à-vis de la Russie, eu égard à l'histoire commune aux deux pays. Rappelons que les guerres russo-persanes qui ont jalonné les XVIIIe et XIXe siècle se sont soldées par un refoulement de l'influence iranienne dans l'espace caspien et le Caucase au bénéfice de l'Empire russe ; que Soviétiques et Iraniens se sont brièvement affrontés en août 1941 (3) avant que l'URSS, désireuse d'enraciner son influence dans le nord de l'Iran, n'encourage le soulèvement des Kurdes locaux, ce qui a abouti à la création de l'éphémère république de Mahabad en janvier 1946 (4) ; et que l'Union soviétique a apporté un important soutien militaire à Bagdad au cours de la guerre Iran-Irak (1980-1988). Plus récemment, l'accord conclu en 1995 entre le vice-président américain Al Gore et Viktor Tchernomyrdine, alors premier ministre de la Fédération de Russie, en vertu duquel Moscou a accepté de cesser ses exportations d'armes vers l'Iran et de renoncer à tout nouveau contrat avec la République islamique jusqu'en 1999 (5), a également laissé un mauvais souvenir à Téhéran. Enfin, les sanctions internationales votées par la Russie en 2006 puis en 2010 et le …
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