Un complexe de bâtiments historiques faisant partie de l'ancienne gare ferroviaire de Jérusalem, en plein coeur de la capitale : c'est l'endroit qu'Erel Margalit a choisi il y a dix ans pour créer son « JVP Media Quarter », y installer ses quartiers et y faire vibrer les idées de jeunes entrepreneurs grâce, notamment, à un « incubateur » (1) qui soutient les projets de start-up. C'est là que ce dynamique politicien a reçu Politique Internationale. À 56 ans, Erel Margalit - parlementaire depuis 2013 - est déterminé à donner un nouveau souffle au parti travailliste conduit aujourd'hui par Isaac Herzog. Et les sondages montrent que sa cote est en hausse au sein du parti. Il l'affirme sans ambages : il veut prendre la tête des travaillistes et accéder ensuite au poste de premier ministre.
Né dans un kibboutz, Erel Margalit a grandi à Jérusalem et s'est d'abord passionné pour la philosophie, obtenant un doctorat de l'Université de Columbia. De retour en Israël, il a renforcé son intérêt pour la chose publique en travaillant aux côtés de l'ancien maire de Jérusalem Teddy Kollek avec pour objectif d'attirer les entreprises de high-tech dans la Ville Sainte. Comptant parmi les pionniers de la haute technologie israélienne, il a créé un fonds de capital-risque en 1993 qui a aidé à développer des dizaines de start-up en Israël et dans le monde.
C'est ensuite vers la périphérie qu'Erel Margalit a lancé ses initiatives. À Beersheva, la « capitale » du désert du Néguev, il a établi un centre de cyber-sécurité où un incubateur permet à des start-up de trouver appui et soutien pour leur développement. Dans un des quartiers arabes de Jérusalem, Beit Safafa, l'association Bakehila, fondée elle aussi par Margalit, propose des programmes de soutien scolaire et para-scolaire.
C'est désormais sur le plan régional que notre homme veut développer ses initiatives. L'an dernier, l'entrepreneur a publié un plan de stratégie régionale basé sur une coopération entre les différents pays du Moyen-Orient. Son idée : les États de la région ont des intérêts économiques et sécuritaires convergents. Ils affrontent également des menaces communes : la transformation de l'Iran en superpuissance économique et l'extrémisme islamiste qui infeste la région (EI, Al-Qaïda, etc.). D'où la nécessité de projets communs. Ces projets pourraient, notamment, inclure un aéroport jordano-israélien et le développement de voies de communication ferroviaire qui pourraient relier la péninsule Arabique à la Méditerranée en passant par Israël. Margalit indique qu'il est en contact régulier avec des politiciens et des hommes d'affaires de la région afin de diffuser ses idées. Il lui reste désormais à convaincre les électeurs qu'il peut jouer un rôle central dans l'avenir du pays.
A. M.
Aude Marcovitch - Comment jugez-vous la politique que conduit le gouvernement actuel ?
Erel Margalit - Très sévèrement ! Ce gouvernement n'est pas bon pour le pays. Après les élections législatives de mars 2015, nous avons cru qu'il serait possible de former un gouvernement de coalition (2), que la droite modérée et la gauche modérée pourraient unir leurs forces et gérer le pays ensemble, sur le plan économique comme sur le plan politique. Hélas, il n'en a pas été ainsi...
Je vais vous dire ce qu'il faut faire, selon moi. Économiquement, nous devons chercher à mieux impliquer les populations qui sont déconnectées de cette économie du XXIe siècle pour laquelle Israël est tellement doué, c'est-à-dire la communauté arabe, les ultra-orthodoxes, ainsi que les habitants plus défavorisés du nord et du sud du pays. Politiquement, nous devons parvenir à un compromis avec les Palestiniens sur le principe d'une solution « à deux États ». Cette solution est à la fois dans l'intérêt des Palestiniens, des Israéliens et de l'ensemble de la région.
Un gouvernement de coalition aurait pu mener une telle politique. Malheureusement, au lieu de promouvoir la coopération, Benyamin Netanyahou a décidé, depuis le début de son quatrième mandat, de mettre le cap « à droite toute » et de former le gouvernement le plus extrême que nous ayons jamais connu...
A. M. - En quoi ce cap à droite se manifeste-t-il, concrètement ?
E. M. - La rhétorique d'extrême droite a envahi le discours du gouvernement et celui du Likoud. En son temps, le parti de Menahem Begin comprenait ce qu'étaient les libertés civiles, le compromis, la civilité. Hélas, ce n'est plus le cas. Au sein de l'opposition, j'essaie de faire entendre une voix différente, y compris sur les questions relatives à la sécurité. À ceux qui pensent que nous n'évoquons pas assez la sécurité, je rappelle que mon parti est celui de David Ben Gourion, d'Yitzhak Rabin et de Moshe Dayan. Garantir la sécurité du pays, ce n'est pas seulement montrer ses muscles ; c'est aussi, et surtout, savoir diriger un État. Menahem Begin, le fondateur du Likoud, a fait preuve de cette vertu quand il a conclu avec l'Égyptien Anouar el-Sadate un accord qui a survécu aux différents orages du Moyen-Orient. Voilà presque quarante ans que l'Égypte et Israël travaillent ensemble sur le plan de la sécurité. C'est une réalisation majeure : les armes égyptiennes ne sont pas pointées vers nous, mais vers Al-Qaïda, vers Daech, parfois vers le Hamas... De la même façon, le travailliste Rabin a signé en 1994 un traité de paix avec la Jordanie. Je tiens, soit dit en passant, à saluer l'action de ce pays qui fait face, très courageusement, aux menaces pesant sur sa frontière orientale, qu'elles soient le fait de l'EI ou d'autres organisations extrémistes.
A. M. - Pouvez-vous résumer la position de votre parti sur la question palestinienne ?
E. M. - Comme je l'ai déjà dit, pour résoudre le conflit avec les Palestiniens, il convient de mettre en …
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