Depuis 1991 et la restauration de leur indépendance, les États baltes ont systématiquement placé l'enjeu sécuritaire au premier rang de leurs priorités. L'Estonie, la Lettonie et la Lituanie n'ont, en effet, jamais accordé une grande confiance à la Russie voisine. L'expérience historique, la taille hors de leur mesure de cet État gigantesque et sa politique étrangère - que les Baltes qualifient d'agressive et expansionniste - les ont invités, tout au long des vingt-cinq dernières années, à réfléchir à la meilleure façon de se prémunir contre un « risque russe ».
Au début des années 2000, à l'heure où leurs partenaires européens prônaient unanimement (ou presque) un rapprochement avec la Russie, les États baltes apparaissaient comme des empêcheurs de tourner en rond, comme des voix discordantes appelant à plus de prudence. Vladimir Poutine s'en est parfois plaint, leur reprochant - ainsi qu'à la Pologne - de distiller une humeur anti-russe au sein de l'UE.
Depuis 2014 et la dégradation des relations de l'Europe avec la Russie à la suite de l'annexion de la Crimée et de la guerre dans le Donbass, ces voix baltes portent mieux dans le monde. Si l'Union européenne, l'Otan et les États-Unis ont modifié leur politique à l'égard de Moscou, les États baltes, eux, n'ont fait que maintenir leur cap. Mince consolation après des années passées à prêcher dans le désert : ils sont désormais écoutés. Mais l'essentiel est ailleurs. La nouvelle donne leur a permis d'obtenir ce qu'ils réclamaient avec opiniâtreté depuis 2004, à savoir de nouvelles garanties de sécurité, au premier rang desquelles la présence physique sur leur territoire de forces occidentales - un déploiement qu'ils jugent indispensable pour dissuader le Kremlin de toute velléité d'intrusion.
Hypermnésie balte
Peu après avoir retrouvé l'indépendance au début des années 1990, les trois pays ont rapidement fait connaître leur volonté de rejoindre les structures euro-atlantiques. En l'occurrence, l'Otan leur est d'emblée apparue comme la meilleure pourvoyeuse des garanties de sécurité dont ils estimaient avoir impérativement besoin. Sans contester l'apport de l'Union européenne dans ce domaine (1), ils ont clairement annoncé que leur but était, avant tout, de rejoindre l'Alliance. Lorsque le président français Jacques Chirac, en 2001, a jugé qu'ils n'avaient pas nécessairement besoin d'adhérer à l'Otan dès lors qu'ils seraient membres de l'UE, la réponse fut unanime : « Nous avons deux bras, pourquoi voulez-vous que nous nous en coupions un ? »
À Tallinn, comme à Riga et à Vilnius, il allait de soi que toute garantie de sécurité serait bonne à prendre... pourvu qu'elle ne vienne pas de Moscou. Le président russe Boris Eltsine en avait fait les frais, vite éconduit lorsqu'il avait proposé au début des années 1990 que la Russie se porte garante de la sécurité de ces trois petits États. Pour eux, l'« occupant » d'hier, puisque la Russie était l'héritière de l'URSS, ne pouvait pas prétendre protéger la pérennité de leur souveraineté. Quant à la neutralité, expérimentée à la veille de la Seconde Guerre mondiale, elle ne leur semblait pas envisageable, …
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